Hochelaga: un quartier auquel on s’attache
Longtemps stigmatisé par ses nombreux problèmes sociaux économiques, Hochelaga-Maisonneuve attire de nouveaux résidents tout en faisant la fierté de ses citoyens qui y vivent depuis plusieurs générations.
Contrairement aux dizaines de locaux vacants sur la rue Saint-Denis ou sur le boulevard Saint-Laurent, on compte sur les doigts d’une main les vitrines délaissées sur la promenade Ontario entre ses deux portiques de la rue Saint-Germain et du boulevard Pie-IX.
C’est que plusieurs jeunes entrepreneurs y ont flairé une occasion en or: des loyers commerciaux abordables, mais surtout, un milieu de vie agréable.
«Le changement qui s’opère dans le quartier a cours depuis au moins une dizaine d’années. Aujourd’hui, nous avons de nouveaux types de commerces sur Ontario et d’autres qui s’actualisent. Aussi, on est parvenu à conserver certaines icônes du coin, comme La Pataterie. Tout cela nous permet d’avoir une bonne mixité commerciale», souligne Jimmy Vigneux, directeur général de la Société de développement commercial (SDC) Hochelaga-Maisonneuve.
Le fort sentiment d’appartenance que peuvent ressentir certains résidents pour leur voisinage, les commerçants aussi y prennent part, selon ce dernier.
«Beaucoup des propriétaires de commerces sont derrière leur comptoir chaque jour, ils y travaillent, ils y vivent au quotidien. C’est comme un village dans Montréal. Ça attire les jeunes qui veulent se lancer en affaire et qui ne désirent pas se retrouver dans un quartier aseptisé», insiste le directeur général.
Si plusieurs ont craint un embourgeoisement forçant le départ des petits magasins plus modestes et de leur clientèle, M. Vigneux croit plutôt que les nouveaux venus ont permis de compléter l’offre dans le secteur.
Partage et entraide
En plein cœur du quartier, dans l’ancien presbytère de l’Église de la Nativité, se trouvent les locaux du Centre communautaire Hochelaga. Son directeur général, Roland Barbier a constamment un doigt sur le pouls de sa population et a mille et une histoires d’entre-aide à partager.
«Notre travail c’est de créer des situations qui vont permettre d’améliorer la vie des gens. Par exemple, cinq soirs par semaine, on a des navettes qui vont chercher les enfants à l’école pour les amener ici, afin qu’ils puissent participer aux activités de 16 h 00 à 17 h 30. Ensuite, ces navettes les ramènent à leur domicile. C’est une petite chose, mais ça permet aux parents de ne pas être inquiets et de savoir que leurs enfants sont en sécurité», indique M. Barbier.
Que ce soit par leurs nombreuses initiatives, comme le Marché solidaire, ou par des gestes ponctuels, le directeur du centre croit que la force du quartier passe par son milieu communautaire aux liens tricotés serrés.
«On doit toujours être réceptifs et savoir tout ce qui se passe dans Hochelaga. Une dame de 75 ans est venue me dire une fois que son fils était parti avec son frigo parce qu’il avait dû vendre le sien. Elle se retrouvait avec toute son épicerie en train de décongeler sur son comptoir et elle avait les larmes aux yeux. On a trouvé un peu d’argent pis on est allé lui acheter un réfrigérateur d’occasion dans un magasin pas trop loin, et ils nous ont arrangé ça rapidement parce qu’ils comprenaient la situation. À 16 h 00 la même journée, la dame avait son nouveau frigo, raconte M. Barbier. C’est comme ça ici. On veut aider les gens sans préjugés.»
Ce sens de l’entraide a valu au directeur général du centre une Médaille du service méritoire du gouvernement fédéral en février dernier.
En effet, le programme Opération Sous Zéro, qui permet à des enfants provenant de milieux défavorisés de se garder au chaud en leur donnant des habits d’hiver neufs, a largement dépassé les frontières Hochelaga depuis son lancement en 2004.
Aujourd’hui, l’initiative a réussi à rejoindre plus de 20 000 enfants dans 181 établissements scolaires au Québec et nécessite un budget annuel de 300 000 $, une preuve de la débrouillardise et de l’esprit communautaire qui règne dans le quartier.
De la culture pour se rassembler
La rencontre entre les arts et les citoyens a toujours été la priorité du mandat de Pierre Larivière directeur de la Maison de la culture Maisonneuve.
Né dans le quartier et y oeuvrant depuis 35 ans, ce dernier espère pouvoir impliquer toutes les tranches de la population à la vitalité du secteur.
«L’avenir d’Hochelaga-Maisonneuve passe par là. Il faut que les gens croient au vivre ensemble», martèle celui qui est l’instigateur de nombreux festivals, dont les Coups de cœur francophones.
Ce dernier est convaincu que la culture a son rôle à jouer comme vecteur d’échanges entre les citoyens.
D’ailleurs, M. Larivière se réjouit des transformations qu’a vécues le quartier durant les dernières années.
«Oui, il faut des logements sociaux et des commerces abordables, mais il ne faut pas se refermer face aux nouvelles personnes qui viennent s’installer dans Hochelaga. Il y a 30 ans, on trouvait 10 restaurants à hot-dog sur Ontario. Je n’ai rien contre les hot-dogs, mais les gens méritent d’avoir du choix, on ne peut pas vivre que de ça. Maintenant on connaît une diversité dans les restaurants et c’est bon pour le quartier, insiste M. Larivière.
Mon quartier à moi
«La réputation du quartier marqué par la drogue, la violence et la prostitution a été surfaite. Cela fait des années qu’on travaille fort avec nos communications pour montrer qu’Hochelaga ce n’est pas juste ça. Oui, il y a encore d’importants problèmes dans le secteur, mais il y a aussi des citoyens avec qui nous collaborons pour créer un milieu de vie agréable» – Jimmy Vigneux, directeur général de la SDC Hochelaga-Maisonneuve.
«Il y a près de 53% des personnes qui résident dans le secteur en attendant un chèque chaque mois pour survivre, que ce soit de l’aide sociale, des allocations pour les enfants ou une pension de retraite. Les gens connaissent souvent des situations modestes, mais ce sont des battants qui sont capables de se débrouiller et qui sont fiers de leur quartier» – Roland Barbier, directeur général du Centre communautaire Hochelaga
«Quand j’étais petit et que ma mère faisait des patates frites, tous les enfants de la ruelle qui jouaient avec moi étaient invités à souper. On n’avait pas besoin de chercher de gardienne, il y avait toujours une voisine prête à nous aider et on ne se gênait pas pour passer un coup de balais ou de pelle sur le balcon du voisin. Pour moi, Hochelaga ç’a toujours été cette ouverture et cette générosité» – Pierre Larivière, directeur de la Maison de la culture Maisonneuve.