Sans frontière

Autobus 24, direction est. 15 h. Nous sommes environ 15 passagers à bord. Au fond du véhicule, une femme dans la jeune trentaine, forte en cordes vocales, hurle au cellulaire des propos auxquels nous ne devrions pas assister. En plus de sa voix qui porte, son exubérance est servie par une tenue bleu électrique, une coiffure monumentale et un maquillage spectaculaire.

On dirait une chanteuse d’opéra lâchée lousse dans la ville. «Laisse-moi parler! J’ai pas fini!» Ça n’a pas du tout l’air de bien aller entre la Diva et celui qui, au bout du fil, semble être son petit ami.

Son puissant monologue se poursuit. Il est question de trahison, de déception, de lait oublié sur le comptoir. Nous sommes quelques-uns à essayer de lui faire comprendre par des regards soutenus et non moins agacés, que nous pouvons entendre tout ce qu’elle dit. Plutôt que de baisser le volume, elle tourne la tête vers la fenêtre, question de prendre aussi le paysage extérieur à témoin. Nous nous regardons entre passagers, complices dans le découragement. Vivement une frontière délimitant la sphère publique et la vie privée! 

Alors que je me passe cette réflexion, la jeune femme courroucée se tait. Son interlocuteur a pris le bâton de paroles.  Et il semble frapper fort. Elle écoute, à la fois assommée et scandalisée en écarquillant les yeux, comme si ces paroles étaient les pires inepties du monde. Elle hoche la tête de découragement et soudain, hurle un «MENTEUUUUR!!!» digne des plus intenses télénovelas.

Quoi? Quoi? Qu’est-ce qu’il a dit? Nous, qui étions si réprobateurs il y a quelques secondes, sommes maintenant très, très intéressés.  Il n’y a pas de douanier à la frontière de l’intimité et de l’espace commun. Pas plus qu’il n’existe de gardien au portail du voyeurisme.

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