Contrôler les éléments
En cette semaine de remaniement ministériel à Ottawa, il est intéressant de regarder, au-delà des idées, ce qui cloche vraiment avec Stephen Harper. La culture de la méfiance a souvent été reprochée aux conservateurs, au point de devenir une marque de commerce. On a souvent constaté un contrôle excessif. Fonctionnaires, chercheurs et même députés ont souvent été éloignés des médias. Ce qui a entraîné une relation tendue avec les journalistes.
La démission de Brent Rathgeber, député de la circonscription albertaine d’Edmonton-St. Albert, qui siège maintenant comme indépendant, a mis au jour une faille importante dans le bloc conservateur. Comme il le mentionnait au moment de sa démission : «Les réformistes conservateurs se targuaient de vouloir faire le ménage en mettant en avant la transparence et la responsabilité. Mais nous nous transformons en ce que nous critiquions.»
L’été devait donc changer le ton et relancer un gouvernement qui glisse dans les sondages. Toutefois, s’il peut contrôler les messages, Stephen Harper doit composer avec les éléments. Le congrès qui devait lui permettre de ressouder les liens avec ses membres a été reporté à cause des inondations à Calgary.
Le remaniement devenait donc l’élément déclencheur du repositionnement conservateur. Les éléments ont encore une fois contrecarré les plans. La tragédie de Mégantic a mobilisé, avec raison, l’énergie de tout le monde. Un changement de ministres dans une période critique aurait pu créer la confusion. Le remaniement ministériel a donc été décalé.
Ce n’est que cette semaine que le premier ministre a pu procéder. Il a choisi de faire un dévoilement 2.0 en utilisant Twitter, ce qui pouvait donner une indication d’une volonté de faire autrement. Il a nommé huit nouveaux visages, dont quatre femmes. Si le spin n’était pas particulièrement bon au Québec, en raison de la perte d’influence de Christian Paradis, le repositionnement semblait fonctionner au Canada anglais.
Mais le bonheur a été de courte durée. Un courriel en provenance du bureau du premier ministre a été coulé dans les médias. Un courriel qui semblait somme toute assez normal dans le cadre d’une transition harmonieuse. On demandait aux différentes équipes de préparer une trousse afin que les nouveaux ministres soient fin prêts à assumer leurs nouvelles responsabilités. Oups! On demandait de dresser une liste des ennemis. Signe de l’approche – avec nous/contre nous – qui ne semble pas changer.
On ne peut contrôler les éléments et les tragédies. Mais les courriels déplorables peuvent être évités, tout comme cette véritable culture de la méfiance. En définitive, c’est là que réside le plus gros problème de
Stephen Harper.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.