Roméo des villes

Métro de Paris. Vendredi, vers 15 h 30. Le quai est clairsemé à la station Reuilly-Diderot. Le métro arrive. Je suis entourée d’une vingtaine d’usagers. Parmi eux, un homme bien vêtu, avec une tête franchement intéressante. Il reste debout, malgré plusieurs places libres. Il se racle la gorge, comme s’il allait s’adresser à la nation. Ce qu’il fait.

«Bonjour! Bonjour à tous et à toutes, surtout. En fait, messieurs, vous pouvez retourner à vos occupations, car c’est aux dames que s’adresse mon annonce.»

Le solide orateur poursuit sa conférence mobile : «Je m’appelle Laurent. J’ai 32 ans. Je suis célibataire et j’ai décidé cette année de me marier. Je suis comptable depuis deux ans dans une boîte sérieuse. Je gagne honnêtement ma vie. J’adore les arts, la bonne bouffe. D’ailleurs, je dois avouer en toute modestie que je me débrouille assez bien dans une cuisine. Je me plais à faire les courses et, chose rare chez un homme, je ne lève pas le nez sur quelques séances de shopping çà et là. Je suis raisonnablement : soigné, mais pas narcissique.»

Quelques femmes jeunes et moins jeunes écoutent, pour certaines avec amusement, pour d’autres avec grand intérêt.

«Comme je déteste les sites de rencontre, j’ai décidé de recruter ma future épouse, en personne, dans les lieux publics. Ainsi, mesdames, vous savez à qui vous avez affaire… et moi aussi», affirme le Roméo des villes en quête de sa dulcinée.

La prochaine station s’annonce. Le Laurent loquace explique qu’il passera maintenant dans l’allée, «nuptiale», dit-il à la blague. Celles qui veulent lui donner leurs coordonnées n’ont qu’à les inscrire sur un bout de papier.

Six futures mariées potentielles ont posé leurs candidature. Je ne sais pas si l’élue a été divulguée à ce jour mais, chose certaine, il y a des élections qui sont franchement plus charmantes que d’autres!