La chorale enrhumée

Mardi, 8 h 45, ligne d’autobus 129, direction ouest. Le corps humain est souvent éprouvé quand arrive l’hiver. Si, en général, dans la vie, certaines personnalités sont réfractaires aux changements, certains corps, eux, sont dans tous leurs états unis quand le vent devient plus frais, l’air plus humide, et qu’éventuellement la neige se met de la partie. Alors, le système immunitaire ca-pote. Il manifeste son désarroi en faisant couler les yeux, piquer la gorge et moucher les trompettes.

C’est ainsi, en tout cas, que se présente la clientèle de l’autobus ce matin-là. Et c’est fascinant de voir, à travers ce rhume collectif, comment les quelque 25 passagers aux diverses personnalités appréhendent différemment ce chapitre de l’année.

Ils sont, pour les uns, ha-billés, voire équipés, comme s’ils accompagnaient Bernard Voyer dans une expédition extrême en Antarctique. Les autres, au contraire, refusent les degrés qui dégringolent et le frimas qui menace en arborant des tenues dignes d’un pique-nique champêtre au beau milieu de juin. Malgré ces distinctions, tous utilisent intensément un même accessoire : le mouchoir.

Certains et certaines, dont je suis, épongent leur appareil nasal qui dégouline comme un érable au printemps, pendant que d’autres se mouchent violemment avec l’énergie d’une fanfare louisianaise. Puis, se joint la section du chœur de toux sèches saccadées avec harmonies de quintes caverneuses.

Je dois ici souligner un détail observé au sein du récital : selon la génération à laquelle appartiennent les «éternueux» et les «tousseux», ces derniers utilisent civilement le creux de leurs coudes ou de leurs mains comme paravents, pour éviter de contaminer leurs semblables.

Ainsi, nous changeons de saison au même diapason. On arrive en hiver peut-être dans des tonalités ou des formations différentes : en duos pour tuques et pastilles, solos pour Kleenex ou encore refrains pour vestes mal boutonnées. Mais ensemble, à l’unisson. Personne n’est seul sur son île, quoique plusieurs rêvent d’un coin tropical, songeant déjà avec nostalgie à l’été. Et ainsi roule la chorale enrhumée au cœur d’une nouvelle saison, avec tout ce qu’elle offrira à vivre et à apprivoiser.

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