Tumulte de valeurs
C’est officiel, comme le Québec, mes valeurs sont sens dessus dessous. Depuis la présentation officielle du projet de Charte des valeurs par le gouvernement du Parti québécois, je suis en quête de cohérence. Je tente de trouver un sens entre ce qui a été présenté et ce que je souhaite pour le Québec. La confusion règne dans ma hiérarchie de valeurs, entre l’ouverture, la laïcité, l’identité… Je cherche ce qui a un sens pour aménager l’espace commun de la société québécoise.
Je suis pourtant de celles qui souhaitent que le gouvernement encadre les accommodements religieux. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il nous mène directement vers un mur, comme celui qu’il y a eu en couverture du document dans lequel il a mis sa vision en page. Je suis déçue. Il avait une occasion de tourner la page sur la crise des accommodements raisonnables. Le gouvernement a choisi de mettre toutes ses propositions dans le même panier plutôt que d’unir les Québécois autour des principes qui pourraient faire rapidement consensus.
Tout le monde s’entend pour dire que la portion de la Charte des valeurs portant sur l’encadrement des accommodements raisonnables est raisonnable. Il aurait été facile de se limiter à adopter un guide, une loi qui tienne compte des principes énoncés.
En effet, il est normal que les accommodements n’imposent pas de contraintes excessives. Qu’ils soient guidés par le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Qu’ils assurent le respect des droits d’autrui, la santé et la sécurité, et le bon fonctionnement d’un organisme ou d’une institution, et qu’ils n’occasionnent pas de coûts prohibitifs. De même, une demande d’accommodement qui s’adresse à une institution publique ne pourrait compromettre sa neutralité religieuse, son caractère laïc et la séparation de la religion et de l’État. Jusque-là, il est facile de trouver un consensus.
Le PQ semble plutôt avoir un problème de calibrage, car en étendant le débat à une interdiction des signes religieux dans l’ensemble du secteur public, il transpose le débat dans une autre dimension, qui exige un grand doigté. Cette perception est en outre renforcée par son incohérence en ce qui concerne certains symboles associés au catholicisme.
Si on parle de neutralité de l’État, il faut avoir le courage d’aller jusqu’au bout. Ses explications concernant le maintien du crucifix à l’Assemblée nationale prouvent à quel point le gouvernement fait fausse route. Quand on soustrait les députés à l’application de la Charte, on fait aussi preuve d’incohérence.
À tout prendre, on aurait préféré une Charte de la laïcité. On aurait également préféré une politique cohérente encadrant les accommodements. On nous sert plutôt une vaste campagne publicitaire, assortie d’un débat mal engagé et d’une île de Montréal qui indique déjà son intention de se soustraire à la Charte. À long terme, plutôt que de rassembler, cette charte risque de creuser un véritable fossé entre les Québécois, entre Montréal et les autres régions du Québec. Est-ce vraiment une valeur québécoise?
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.