Procès d'un muffin

Ligne verte, direction Angrignon. C’est vendredi, il est 9 h 15. Une dame est assise, tient un café et un petit sac de papier duquel elle extirpe un muffin de la taille d’une montgolfière qu’elle dévore d’abord des yeux. Il y a dans le regard qu’elle pose sur lui un mélange de désir et de culpabilité.

Parce que, qu’on se le tienne pour dit, un muffin, la plupart du temps, c’est un gâteau qui s’invite à notre petit déjeuner. La distinction entre un cupcake et lui réside uniquement dans le glaçage. Et encore. Des muffins avec du glaçage, ça existe! Et nous, pour nous donner bonne conscience, nous nous disons qu’il contient des ingrédients de qualité comme des fibres et même, parfois, des fruits.

Mais pas cette fois-ci, car ce muffin, de toute évidence, est au chocolat. C’est ce que réalise la passagère à l’instant. Cette dame, qui a étendu une serviette de table sur ses genoux pour y poser la pâtisserie déguisée en aliment sain, approche maintenant la chose de son nez pour la scruter. Elle toise cet ennemi du Guide alimentaire canadien et entreprend le projet assez ambitieux d’en extraire chaque pépite.

Pincées sans merci entre ses ongles vernis, les brisures de chocolat sont retirées pour s’accumuler au creux d’une autre napkin réservée à cet effet. Pourquoi tant de scrupules tout à coup? Avait-elle cru choisir un muffin aux bleuets? Ferait-elle partie des rarissimes spécimens qui n’aiment pas le chocolat?

Elle tient maintenant cette boule de pâte criblée de cratères, et bourrée de sucre et de shortening. La dame en prend finalement une bouchée. Elle s’en délecte, même s’il pleut un peu sur son pique-nique matinal.

Elle se permet rapidement une autre mordée plus assumée, puis une autre. En quelques secondes, il ne reste plus rien de ce muffin américain, sinon quelques miettes et la constellation de pépites qui fond un peu dans sa main. Elle reluque les vestiges du muffin et se promet une salade de fruits pour le lendemain.

C’est ce que je me dis aussi… en terminant le mien.

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