La dissertation

Ligne orange, direction Côte-Vertu. Il est 8 h. Elles sont deux copines assises côte à côte. En fait, elles pourraient être sœurs tellement elles se ressemblent. Pas tant par leurs traits que par leur style, leurs mimiques et leur manière de s’exprimer. Elles ont les joues rosies par le froid. Portent des foulards blanc crème fouettée. Elles sentent la vanille. Chacune est coiffée d’un chignon fixé haut sur la tête, telle une cerise sur un cup cake.

Elles ont 15 ans peut-être, et échangent énergiquement à propos d’un travail que l’une d’elles a sorti de son sac. Une feuille 8 1/2 x 11 sur laquelle est couchée une dissertation.

L’exercice porte sur un texte français dans lequel on suit particulièrement une femme du XIXe siècle qui s’ennuie tragiquement et qui finira par se donner la mort. Les deux amies ne s’entendent pas sur le thème central de l’histoire.

Jeune fille 1 : «Elle veut être riche et elle s’endette tellement que…» Jeune fille 2, interrompant la première : «… elle ne s’endette pas parce qu’elle veut être riche, mais parce que sa vie ordinaire la déprime trop! Et son mari l’aime mal, ou en tout cas, elle, elle ne l’aime pas…»

Je les écoute parler de cette histoire vieille de plus de 150 ans, sur fond de village normand. Je me souviens d’avoir lu ce roman il y a bien longtemps. Et il me semble que ce récit tout en nuances était assez complexe. Peine d’amour? Espoirs déçus? Féminisme précoce? Fantaisies irréalisables?

Intelligence vive dans un univers aucunement stimulant? Endettement? Vertiges existentiels? Un peu de tout ça? Sûrement!

Reste que ce matin-là, devant ces deux étudiantes modernes et pleines de vie, à l’ère des Desperate House Wives, force est d’admettre que le bonheur ne s’achète pas plus à crédit aujourd’hui qu’à l’époque de Madame Bovary.

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