La grève étudiante et l’autorité morale

Photo: Graham Hughes/La Presse canadienne

Et ça recommence.

Malgré une entente conclue entre le gouvernement et les trois principales fédérations étudiantes après un marathon d’une vingtaine d’heures de négociation, la grève pourrait s’éterniser. De façon prévisible, des associations étudiantes ont désavoué les leaders de la FECQ, de la FEUQ et de la CLASSE, qui de toutes façons avaient refusé d’appeler leurs troupes à appuyer l’accord de principe.

Pourtant, l’entente a été conclue avec la bénédiction des grandes centrales syndicales, présentes pour appuyer leurs jeunes collègues. Il y a bien une controverse sur l’écart entre l’entente verbale qui aurait été conclue et le texte final. Et le gouvernement a fait l’erreur de pavoiser un peu trop alors que le corps était encore chaud. Mais, honnêtement, à quoi aurait-on pu s’attendre d’autre qu’un rejet par les étudiants encore en grève? La vague sur laquelle le mouvement étudiant s’est bâtie repose sur l’exigence non-négociable du gel des droits de scolarité, que les porte-parole étudiants ont claironné jour après jour sans répit jusqu’à samedi.

La réaction en chaîne que l’on observe depuis lundi est facile à expliquer: la base du mouvement étudiant est simplement plus cohérente que ses leaders.

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On peut imaginer ce qui s’est passé samedi. Ce genre de rencontre au sommet est déjà exigeant pour des négociateurs aguerris. Les porte-parole étudiants, qui ont excellé dans leurs fonctions, ont tout de même moins de millage que leurs vis-à-vis et leurs partenaires de discussion. Après une vingtaine d’heures de négociation, la fatigue a pu se faire sentir. Plus pragmatiques et plus expérimentés, les Michel Arsenault, Louis Roy et Réjean Parent ont pu encourager Martine Desjardins et Léo Bureau-Blouin à mettre de l’eau dans leur vin, à réaliser qu’ils avaient fait des gains et à les consolider.

Au fond, l’accessibilité était déjà améliorée avec l’étalement des frais, l’introduction d’un mécanisme de remboursement proportionnel au revenu et le relèvement du plafond de revenu des parents pour les boursiers. Pour sauver l’honneur, on a ensuite imaginé une drôle de « patente à gosses » qui fera baisser les frais afférents si des économies sont trouvées dans la gestion des universités. Les représentants étudiants, fatigués, on acheté l’idée. Ce n’était pas insensé. Et puis, à force de parler, on finit par se comprendre, peut-être même à s’apprécier un peu, sinon au moins à trouver un peu de sens dans la position adverse.

Allez maintenant vendre ça à des gens qui sont dans la rue depuis douze semaines pour revendiquer le gel des droits de scolarité et rien d’autre. Moi aussi j’aurais voté contre.

Par leur position rigide qui ne leur donnait pas de marge pour un repli, les leaders étudiants se sont peinturés dans le coin. Ils ont risqué samedi de marcher sur la peinture, mais leur base, accrochée au mantra du gel, n’a pas voulu le faire.

Une partie du problème reste du côté de Québec. À peu près plus personne ne fait confiance au gouvernement libéral: Jean Charest inventerait un vaccin contre le cancer et le sida, on se méfierait encore. Les droits de scolarité avaient triplé il y a une vingtaine d’années. La contestation étudiante n’avait jamais atteint cette ampleur.

Au-delà des revendications éparses associés à la grève étudiante, contre le gaz de schiste, le plan Nord, voire l’économie de marché, au-delà de la mobilisation facilitée par les réseaux sociaux et d’idées de révolution de salon, il reste une grogne sourde qui ne s’en ira pas. La grève étudiante n’en a été que l’amplificateur.

Aux yeux d’une partie grandissante de la population, les libéraux, légitimement et légalement élus, n’ont plus l’autorité morale pour gouverner

Aucune négociation ne pourra régler ça.

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