Jean Tremblay c. Greenpeace: L’intervention
Il existe un Monde-à-l’envers, où les groupes écologistes nous veulent du mal. Ils se réveillent la nuit pour comploter contre les familles et les travailleurs québécois. Dans ce Monde-à-l’envers, ceux qui œuvrent pour s’assurer que la forêt québécoise soit durable et que l’habitat du caribou forestier ne disparaisse pas, ce sont des voyous qu’il faut stopper. Heureusement ce Monde-à-l’envers n’existe que dans la tête du maire de Saguenay.
Dans le Monde-réel, Greenpeace mène une campagne pour tordre le bras à la compagnie Produits forestiers Résolu pour qu’elle récupère sa certification FSC. Cette certification, qui est largement reconnue par les papetières, les gouvernements et les syndicats, s’obtient lorsqu’une papetière respecte les lois internationales, maintient les conditions des travailleurs, assure la viabilité économique à long terme de la forêt, reconnaît et respecte les droits autochtones et maintient la diversité biologique de la forêt. Résolu respectait les normes FSC depuis des années, mais a cessé de le faire. Greenpeace agit pour convaincre Résolu de récupérer sa certification FSC.
On pourrait même avancer que les efforts de Greenpeace protègent les travailleurs à long terme, car sans des pratiques durables de coupe forestière, il n’y en aura plus de forêt, et plus d’emplois. Même le syndicat des travailleurs l’a reconnu.
L’intervention du premier ministre, qui a secondé les propos du maire Tremblay, n’a rien d’étonnant. Il y a deux semaines, le ministre de l’Économie, Jacques Daoust, annonçait que le gouvernement du Québec cesserait de «faire du capitalisme d’État». Le gouvernement n’interviendra plus pour soutenir des entreprises en difficulté. Une stratégie qui a bien servi un pays comme la Suède, car cette approche faisait partie d’un plan plus large de ce pays pour susciter l’innovation et la rentabilité de ses entreprises. Dans notre cas, il n’y aura plus d’intervention, mais il n’y aura pas de plan non plus : le ministre Daoust a également annoncé que le gouvernement n’aura pas de politique de développement économique.
Ces propos révèlent une vision de l’économie où l’intervention de l’État est non seulement superflue, mais nuisible. Dans cette perspective, une contrainte comme la certification FSC, par exemple, vient déranger les rouages naturels du marché de la papeterie. Sauf qu’une entreprise, c’est un mécanisme perpétuel de réduction de coûts – même lorsque cette réduction porte atteinte à l’environnement ou aux communautés. C’est pour cela qu’il y a de la réglementation. Les autorités publiques sont les gardiennes de ces règles, et de leur mise à jour au gré de la transformation des marchés.
Mais surtout, un marché n’est pas que la simple rencontre d’une offre et d’une demande. C’est un écosystème complexe traversé par des normes, des conventions, des incitatifs et des contraintes qui, ensemble, agissent pour protéger la libre concurrence, susciter l’innovation et la croissance, mais aussi pour éviter des effets pervers. La gestion intelligente de l’économie c’est précisément ce qui la rend efficiente. Si l’État ne s’en charge pas, qui le fera?