Bras de fer entre le Vatican et Paris
Il se nomme Laurent Stéfanini. Il est catholique pratiquant et homosexuel. François Hollande l’a choisi pour représenter la France auprès du Saint-Siège. Il devra sans doute se résigner à proposer un autre nom.
En 2007, l’entité juridique qui gouverne l’Église n’avait pas donné sa bénédiction à l’ambassadeur Jean-Loup Kuhn-Delforge, alors nommé par Nicolas Sarkozy. Lui aussi était ouvertement gai.
Pourtant, le pape François avait surpris tout le monde en 2013 en disant ceci : «Si une personne est homosexuelle, qui suis-je pour la juger?» Il avait même précisé : «Nous devons être frères», au grand plaisir de ceux et celles ayant une orientation sexuelle encore et toujours considérée comme un «péché», une «déviance grave» par le Vatican.
Le 266e successeur de saint Pierre est loin de croire, à l’instar de Pie X (pape de 1903 à 1914, canonisé en 1954), que l’homosexualité est un «crime contre nature qui crie vengeance à la face de Dieu».
Le ton a certes changé, mais la doctrine reste la même. Le Saint-Père a tout au plus déploré la rigidité de l’Église à l’égard des homosexuels.
Aujourd’hui, elle reconnaît les «dons et les qualités» de l’homosexuel, lui accorde sa miséricorde, mais sa pratique est toujours condamnée. En clair, le «pécheur» doit se repentir et se guérir.
On est très loin de l’Église anglicane d’Angleterre, qui autorise désormais les prêtres ouvertement homosexuels, mais célibataires, à devenir évêques. Dans l’Église catholique, les homosexuels sont toujours jugés inaptes au sacerdoce. Comme les femmes d’ailleurs. On le voit, l’ouverture d’esprit du pape François a ses limites. Sa pastorale a beau être libérale, sa théologie reste conservatrice.
Pas étonnant donc que la nomination de Laurent Stéfanini, un diplomate de 55 ans très discret sur sa vie privée, est dans les limbes depuis janvier. Ce long silence du Vatican – le délai habituel est d’un mois – doit-il être interprété comme une fin de non-recevoir?
«Rome n’a pas refusé cette nomination. Simplement, il n’y a pas eu de réponse (ni positive, ni négative)», insiste Gilles Routhier, doyen de la Faculté de théologie et des sciences religieuses de l’Université Laval, dans un échange de courriels.
Habitué des arcanes vaticanes (il dînait vendredi à l’ambassade de France près le Saint-Siège), l’universitaire québécois croit que «si la presse n’avait pas ébruité tout cela, les choses seraient déjà réglées, diplomatiquement. Maintenant, j’ai bien peur qu’aucune des parties ne puisse reculer».
Un long bras de fer en perspective entre Paris et le Saint-Siège. «Les relations sont certainement tendues entre l’État français et l’Église catholique (pas seulement avec le Saint-Siège) depuis le début du quinquennat de François Hollande. Du reste, sa rencontre avec le pape [en janvier 2014] a été froide, et sa relation distante […]»
Dans tous les cas, au Vatican, on ne se querelle plus sur le sexe des anges, mais bien sur l’orientation sexuelle des diplomates représentés dans le plus petit État du monde.