Une brèche

Notre démocratie est malade et on devrait tout faire pour lui donner les soins dont elle a besoin. Parmi les problèmes qui l’affligent figurent certaines règles de notre système politique.

Ces règles semblent parfois impossibles à réformer tellement elles sont ancrées dans la tradition : mode de scrutin, dépenses électorales, ouverture des données publiques, gouvernance des organismes, etc. Attachement à la tradition, incertitude au sujet des effets d’une réforme, incapacité à choisir la solution de rechange… toutes les raisons sont évoquées pour ne pas y toucher.

Et puis une brèche s’est formée.

En 2013, un projet de loi privé était déposé, intitulé «Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada (réformes)». Pas très sexy, me direz-vous? Ne vous fiez pas aux apparences. C’était probablement le projet de loi le plus excitant que le parlement ait étudié depuis belle lurette.

Le projet de loi dans sa mouture originale devait modifier en profondeur la dynamique de pouvoir dans les partis, en retirant un peu de pouvoir au chef pour le donner aux députés et aux partis. Concrètement, il enlevait au chef son droit de veto sur le choix des candidats en vue des élections. La responsabilité d’approuver les candidatures serait alors revenue à l’association de comté, donc au parti. Le projet aurait permis aux députés de décider s’il fallait suspendre ou réadmettre un de leurs collègues au sein du caucus, plutôt que de laisser cette décision à la discrétion du chef. Enfin, si elle avait été adoptée, cette loi aurait donné le pouvoir aux députés de soumettre leur chef à un vote de confiance du caucus et de le démettre de ses fonctions advenant qu’une majorité le souhaiterait.

Depuis des années, on fait le constat que la toute-puissance du chef et son ascendant démesuré sur son caucus nuisent à la santé démocratique. Dans le système actuel, les députés sont littéralement asservis à la volonté des leaders. Cela engendre des effets pathétiques : des députés incapables de parler librement dans la Chambre des communes, rabroués par le chef s’ils «sortent du script», des ministres bâillonnés, interdits de communiquer avec les médias sans l’aval de leur chef, des députés prêts à dire ou à faire n’importe quoi pour demeurer dans les bonnes grâces de celui ou de celle qui a droit de vie ou de mort sur eux. Les dispositions actuelles donnent littéralement au chef un pouvoir «existentiel» sur son caucus.

Mais voilà, on ne change pas les règles du jeu si facilement. Face à l’opposition qu’il suscitait, le projet de loi a été amendé et les propositions de réformes sont devenues ça : de simples propositions faites aux partis. Aucune obligation légale de changer les pratiques, seulement une suggestion amicale.

La Chambre des communes a voté en faveur du projet dans sa version molle, qui est maintenant à l’étude au Sénat. Si le moindre amendement est demandé, il retournera en chambre, le Parlement fera sa pause pour l’été et la loi mourra au feuilleton.

La loi n’est plus que l’ombre d’elle-même, mais elle a le mérite d’envoyer un signal : on peut améliorer nos façons de faire. Qu’elle passe ou non, espérons qu’elle en inspirera d’autres.

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.