La mode, le vice chronique

Photo: Capture d'écran YouTube

Je l’attendais depuis des mois. Je l’attendais comme on attend une douche froide. Ça va faire mal, que je m’étais dit, mais c’est un mal nécessaire.

Cette chose que je craignais, c’est le film The True Cost, un documentaire américain récent sur l’industrie de la mode. Je l’ai vu. Et il a eu sur moi l’effet que j’appréhendais: la culpabilité.

Parce que, voyez-vous, je suis porteuse, comme tant d’autres personnes, du virus de l’épicurisme vestimentaire. J’aime le linge. J’aime acheter des vêtements. Je canalise une certaine créativité dans mes choix vestimentaires. Dans les agencements, dans le choix des textures, dans les références à d’autres époques; tout cela est un jeu amusant d’expression de soi.

Sauf que c’est un loisir risqué. Je sais qu’en me faisant plaisir je participe à un système qui ne lave pas plus blanc que blanc. Je sais qu’en achetant du linge, j’alimente une machine à misère. Cette machine, c’est l’industrie de la mode, en particulier celle de la mode grand public, celle des marques connues-que-je-ne-nommerai-pas, qui ont 12 succursales dans un périmètre de 20 km2. Le «fast-fashion», comme on l’appelle.

Le documentaire ne réinvente pas le genre. Son efficacité repose sur les contrastes d’images: les citoyens du Nord qui s’offrent compulsivement des habits peu chers, mais dont les travailleurs du Sud paient le prix réel au détriment de leur bien-être, de leur santé et de leur sécurité.

On connaît l’histoire, on l’a déjà entendue des centaines de fois depuis la délocalisation de la production industrielle vers les pays du Sud. Mais le film révèle à quel point le phénomène s’est accentué et accéléré. Les filles, avez-vous remarqué que la petite robe d’été qui coûtait 40$ il y a 15 ans en coûte maintenant 19,99? On peut désormais s’acheter un t-shirt à 3,99$. Ces petits prix, on les obtient grâce à la détérioration constante des conditions de travail des couturières.

En écrivant cela, je pense en particulier à nous, les femmes, à notre solidarité. En effet, là-bas, ce sont elles en majorité qui cousent les vêtements, et ici ce sont surtout nous qui les achetons. Le vendredi, pour se faire plaisir après une longue semaine de travail, on se paie un petit jean à 30 $; pour ajouter un peu de fantaisie à notre vie, nous, les femmes du Nord, on exploite les femmes du Sud.

Tout ça, je le savais déjà, mais je choisissais de l’ignorer. Et l’absence d’information au sujet des conditions dans lesquelles ces habits sont fabriqués, ça aide aussi à rendre invisibles les mains qui ont faufilé le tissu dans la machine à coudre.

Et puis, un jour, j’apprends que 1129 personnes sont mortes dans l’effondrement d’un édifice au Bangladesh, où des femmes cousaient nos fringues pas chères. Je tressaille. Je me sens terriblement mal. Mais je me dis: ai-je d’autres choix? De toute façon, c’est comme ça que ça marche….

Plus maintenant. Après avoir vu ce film, je devrai trouver des solutions de rechange, m’imposer de nouveaux choix, car désormais, je sais trop.

[protected-iframe id= »a3ae6623eee1a061000c523cea3a38be-33298947-34221131″ info= »https://embed.vhx.tv/packages/5734″ width= »640″ height= »360″ frameborder= »0″]

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.