À « go », on manifeste!

Qu’est-ce qui donne à l’homo quebecus l’envie de manifester? Ce n’est pas toujours clair.

Il y a une douzaine d’années, le gouvernement fédéral sanctionnait la loi sur la clarté, une créature légale un peu bâtarde dont l’objectif était d’assujettir un éventuel vote référendaire à l’approbation du parlement fédéral, où le Québec est évidemment minoritaire.

C’était contraire à bien des principes de droit international, et surtout contraire à la volonté exprimée à l’unanimité par les parlementaires de l’Assemblée nationale (libéraux inclus) à l’époque du dernier référendum, à l’effet que les résultats d’un référendum sur la souveraineté seront reconnus par les députés de tous les partis.

Réaction sur le manif-o-mètre : zzzzzzzzzz.

Avançons de dix ans. Pendant deux ans, des journalistes québécois déterrent sans relâche des histoires franchement décourageantes sur l’attribution de contrats publics, allant d’infrastructures de transport aux permis de garderies, et documentant en même temps les accointances douteuses et ce qui ressemble à des retours d’ascenseurs entre le politique et des gens d’affaires. Au passage, tout un système de passe-passe pour le financement des partis est éventé.

Les sondages d’opinion ont amené le gouvernement à céder en bout de course sur la mise en place d’une commission d’enquête que le Québec entier réclamait. Mais combien de manifestants se sont mobilisées devant cette gabegie scandaleuse et quasi-mafieuse? Zzzzzzzzzz.

Il y a quelques mois, les conservateurs enterraient le registre des armes à feu en sablant le champagne, contre l’avis d’une tonne de juristes et de policiers, et à la désolation de milliers de victimes d’actes criminels. De tristes rednecks qui en faisaient un rêve mouillé depuis quelques années ont manifesté leur joie. La vaste majorité : zzzzzzzzzz.

Le gouvernement fédéral intimide ses propres fonctionnaires, sabre dans Statistique Canada, les climatologues et à peu près tout ce qui existe d’instruments de mesure ou de contrepoids à Ottawa. Il se rend complice de torture en Afghanistan et ment éhontément à propos des faramineux dépassements de coûts pour l’acquisition d’avions de chasse. Il en rajoute une couche récemment avec le projet de loi C-38, une masse de modifications législatives qui prend des mesures budgétaires comme prétexte pour passer au rouleau compresseur une kyrielle d’organismes gouvernementaux. Zzzzzzzzzz.

Notre système de santé déborde, craque, coule, et peine plus simplement à fournir un simple accès à un médecin et des soins de base; notre système d’éducation subit une longue déliquescence à la faveur d’une réforme idéologue, d’une structurite aigüe et d’un manque général de ressources, dont du personnel spécialisé pour soutenir les enseignants; le vérificateur général dénonçait encore cette semaine la gestion déficiente des CHSLD, ce qui est presque le moindre de leurs problèmes; à Montréal, près de 30 % des ménages vit sous le seuil de la pauvreté.

Zzzzzzzzzz.

Zzzzzzzzzz.

Zzzzzzzzzz.

Zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz.

Printemps 2012 : un gouvernement impopulaire propose une hausse des droits de scolarité qui représentera en bout de ligne une diminution nette des coûts d’accès aux études supérieures pour les étudiants issus de famille dont les revenus sont inférieurs à 65 000 $ par an. Ceux provenant des ménages gagnant 72 000 $ et plus par an verront leurs coûts augmenter.

En clair : c’est bon pour les moins fortunés et pour une bonne partie de la classe moyenne (note : le revenu familial médian – pas moyen – au Québec est d’environ 50 000 $). Ceux qui ont un peu plus de sous devront contribuer davantage. Il y a peut-être quelques ajustements à faire : la hausse pourrait être moindre en arts et sciences humaines et plus élevée en génie et en médecine, par exemple, mais sur le principe, c’est plus équitable. La gauche devrait applaudir.

Pourtant, ça manifeste à répète. Trois mois, et ce n’est encore pas fini. Me semble qu’il y a comme un déséquilibre entre l’importance de certains enjeux et les réactions qu’ils provoquent…

Quand le dossier des droits de scolarité sera réglé, on ne pourrait pas manifester pour tout le reste aussi? Pas de façon éparpillée en mélangeant tous les dossiers, mais les prenant un par un. L’organisation des manifs est bien rodée, ne s’agit plus qu’à préciser les sujets et les demandes, et à être un peu créatif.

Humble suggestion : personnellement, je commencerais pas nos vieux. Leur situation est globalement gênante, et la plupart qui de ceux sont dans le besoin ne sont pas trop équipés pour manifester, et il est trop facile de les oublier.

Un défilé symbolique de chaises roulantes, ça frapperait l’imaginaire. Je dis ça de même…

***

Un peu de mauvaise foi maintenant…

Printemps 2008 : le Canadien élimine les Bruins en huitièmes de finale (ou quarts de finale d’association, si vous préférez. La Coupe est loin). Une quinzaine de voiture de police sont endommagées par des fêtards et des commerces sont saccagés.

Printemps 2010 : la Sainte-Flanelle sort les champions en titre, les Penguins. Des commerces sont pillés, une quarantaine de personnes arrêtées.

Automne 2010 : La perspective d’attirer une équipe de hockey à Québec réunit 50 000 personnes dans une marche bleue qui culmine sur les plaines d’Abraham. 50 000 personnes. À Québec. Pour reprendre l’analogie de David Desjardins, on la veut, notre « pilule bleue ».

Question comme ça, pour fins de discussion : mettons que le Canadien était à vendre, et qu’il y aurait une chance qu’il déménage à Toronto, qu’est-ce que ça donnerait comme manifestation? Je gage qu’il n’y aurait pas que les fantômes du Forum.

Et j’ai le sentiment que si, demain matin, on débranchait le câble pour la province au complet, il y aurait un million de personnes dans les rues.

C’est peut-être ce que ça prendrait…

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