Nécessité fait loi
Ça fait des années que les réfugiés fuient la Syrie, l’Érythrée, l’Irak et d’autres pays. Ça fait des années qu’on le sait. La réaction de l’Europe a été de fortifier ses frontières. Cette politique est un échec. En ne facilitant et n’organisant pas l’entrée légale des réfugiés sur son territoire, l’Europe a préparé la crise humanitaire d’aujourd’hui. D’autres pays comme le Canada et l’Australie n’ont pas fait mieux.
L’urgence aurait pu être évitée si les politiques recommandées dès 2010 par les experts en migration, au début de la révolution tunisienne, avaient été mises en œuvre. La situation est rendue plus aiguë cette année par la procrastination et le malaise des dirigeants européens.
Le juriste québécois François Crépeau est depuis 2011 rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l’Homme des migrants. L’expert de l’ONU soutient que l’ouverture de canaux légaux pour les migrants permettrait de sauver des vies, de réduire le trafic de personnes et de diminuer le coût des demandes d’asile. Une initiative concrète serait de permettre aux ambassades des pays occidentaux au Moyen-Orient et en Afrique du Nord de délivrer des visas humanitaires. On pourrait aussi mettre en place de grands centres de traitement des demandes d’asile en Europe dans des pays comme la Jordanie, la Turquie, l’Égypte et le Liban. Ces mesures donneraient aux migrants les plus pauvres et les plus faibles, comme les personnes âgées, les enfants et les personnes handicapées, une chance égale de trouver asile. Elles n’auraient pas à franchir des frontières à pied.
Ces mesures serviraient à soulager les migrants actuels et les pays qui les reçoivent massivement aujourd’hui. Mais ces mesures serviraient aussi à nous préparer au grand mouvement planétaire qui s’annonce. D’après l’Agence des Nations unies pour les réfugiés et bien d’autres experts mondiaux, ces migrations massives ne font que commencer, sous la pression de multiples facteurs : crises alimentaires, écologiques, climatiques, instabilité économique et politique.
L’année 2014 a vu la croissance spectaculaire des déplacements de masse, qui ont atteint des niveaux sans précédent dans l’histoire récente. Il y a un an, on dénombrait 51,2 millions de personnes déplacées. Un an plus tard, elles sont près de 60 millions!
On a parlé de la naïveté de ceux qui voudraient accueillir ces réfugiés à bras ouverts. La véritable naïveté, c’est de croire qu’en érigeant des barrières, on stoppera le flot d’humains qui cherchent une meilleure vie ou, dans bien des cas, la simple survie.
On ne se débarrassera pas du problème migratoire en étant ponctuellement traumatisés collectivement par la vue de la souffrance humaine. On le réglera en mettant en place des solutions constructives à long terme. Cela concerne le Canada autant que l’Europe.
Les gouvernements sont très sensibles à l’opinion publique. Les politiciens n’ont rien à gagner à promettre quoi que ce soit aux migrants. On a donc la responsabilité d’envoyer des messages clairs et sans équivoque à nos gouvernements et aux partis politiques. Lors d’élections, par exemple.