Le Guantanamo des primates

Les singes sont transportés dans de petites cages. Photo: Collaboration spéciale/PETA

Vous êtes-vous déjà demandé d’où venaient les primates utilisés en laboratoire? La réponse, c’est qu’il existe des compagnies qui se spécialisent dans la capture, l’entreposage et la revente de singes à tous ceux et celles qui aiment tester leur shampoing sur des animaux plutôt que de s’abimer les cheveux en l’essayant sur eux-mêmes. Des pushers de primates en quelque sorte, aussi peu fréquentables que leurs confrères du milieu interlope. J’aimerais vous en présenter une qui fait présentement l’objet d’une enquête fédérale aux États-Unis: Primates Products Inc (PPI), basé dans l’État du jus d’orange, la Floride.

Composé de quatre fermes où croupissent quelques milliers de macaques, PPI propose des «systèmes d’habitations environnementales améliorées» conçus pour assurer sécurité et «bien-être psychosocial» à ses résidants. Juste à voir l’image de ces luxueux «penthouses» pour primates, on se dit qu’on est bien niaiseux de payer un loyer quand notre bien-être serait certain dans ces châteaux de métal avec vue sur la mer.

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PPI vend également des sympathiques «Primates Restrainer», qu’on pourrait franciser en «dompteurs de primates» mécaniques, qui servent à immobiliser les singes. Simples, ces «restrainers» sont fabriqués sur la base de trois principes: la versatilité (euh… ?), l’accessibilité et le «confort de l’animal». À voir la patente, il est certain que les singes, une fois «domptés», en redemandent!

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Bien sûr, la majeure partie du chiffre d’affaires de PPI ne provient pas de ces riants instruments entièrement pensés pour faire la joie de nos cousins: la business roule sur la vente de ces derniers, comme on dit.

C’est là que l’histoire devient moins drôle. Une vidéo captée par l’organisation People for Ethical Treatment of Animals (PETA)  en juin 2015 montre en effet l’ampleur des mauvais traitements qui sont réservés aux animaux confinés dans cet endroit. La diffusion de la vidéo – qui parle d’elle-même – a encouragé le département américain de l’agriculture (USDA) à venir inspecter les lieux. Et il y a trouvé matière à inspection, c’est le moins qu’on puisse dire.

Déjà, il y a ces trois macaques retrouvés morts, côte à côte, dans leur «système d’habitation environnemental améliorée» (entre nous, on va appeler ça les SHEA à partir d’ici). Les pauvres avaient le malheur d’avoir un fil électrique à portée des crocs. Ils ont donc mâchouillé le câble jusqu’au cuivre et sont mort électrocutés.

Un autre jour, un ours a réussi à s’infiltrer là où habitent les animaux. Des barrières électriques ont depuis été posées et le problème semble réglé, rapporte le USDA. Mais quand même, un ours sur le pas de votre SHEA, ça vous gâche un dimanche en famille.

Les inspecteurs rapportent également que pour attraper les animaux, les employés courent après les singes dans un grand enclos grillagé. Gare à celui qui baisse la cadence: l’employé l’attrape par la queue, l’arrache au grillage et le «garoch»e – c’est le mot – dans un sac qui, notent les enquêteurs du USDA, traîne parfois par terre. Le malheureux primate se fracasse alors contre le béton, et la journée ne fait que commencer pour lui.

PETA indique quant à lui que des employés nettoient parfois les SHEA avec des produits chimiques, alors que des primates se trouvent à l’intérieur. Un superviseur de PPI a même rapporté avoir vu des singes «brûlés par l’eau de Javel».

Le seul défaut des SHEA, c’est, comme on l’a vu plus haut, le manque de chauffage et d’isolation. La USDA indique que le froid nécrose parfois la queue des primates l’hiver. Il faut alors souvent l’amputer – ce qui les rend, au moins, plus dur à attraper.

Le dentiste passe parfois dans le coin, mais malheureusement, il semble travailler à l’ancienne. Les inspecteurs rapportent ainsi que les singes se font parfois arracher les dents, à froid et à l’air libre, à main nue ou avec un instrument. À l’ancienne, qu’on vous disait.

Le stress que causent aux singes ces délicates manipulations a des conséquences néfastes sur leur santé, notamment la perte de poil et l’agressivité entre eux. Une de ces primates, Loretta, a même passé plus de 22 semaines dans la même cage que des singes qui la passaient fréquemment à tabac. Les photos prises par PETA la montrent misérable et dénudée: c’est qu’elle s’arrachait les poils à force de vivre constamment avec ses bourreaux.

Certains me diront: mais voyons garde-chasse, PPI affiche fièrement sur sa page web son homologation par l’Association for Assessment and Accreditation of Laboratory Animal Care International (AAALAC), supposée protéger les «animaux dédiés à la science» – on doute qu’ils se dévouent d’eux-mêmes, mais bon.

Déjà, la certification s’obtient sur une base volontaire, c’est-à-dire que c’est la compagnie qui contacte la AAALAC pour l’obtenir. Puis en fouillant sur le site de l’association, on lit que la certification est «accordé à [une compagnie] qui fait plus que le minimum requis pour faire preuve d’excellence». «Plus que le minimum»: on a déjà vu plus sévère, comme critère.

La liste des cruautés recensée par l’USDA est encore longue, mais allons droit au but. Y a-t-il une vie après PPI pour ces primates? Oui, mais cet au-delà n’est pas jojo non plus. Les «tests» menés en laboratoire sur ces rescapés de l’enclos sont multiples et divers. Parfois, le singe sera volontairement infecté par le VIH, promis à une lente agonie dans les bras du sida. À d’autres moments, ils seront irradiés alors qu’ils trônent sur le «restrainer» qu’ils aiment tant. C’est quelquefois de petits trous dans le cerveau qu’on leur fait, agrémentés par de doux arrachages de mâchoire, selon PETA. Ils seront souvent nourris de force, comme à la prison de Guantanamo, ce paradis terrestre posé sur les plages cubaines. Une chose est certaine: au bout de ces traitements, c’est toujours la mort qui les attend.

Ça tombe bien parce qu’après avoir subi tout ça, ils doivent avoir bien hâte de la voir, la mort…

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