L’entreprise de l’avenir
Le coopératisme n’est pas nouveau au Québec. Il a pris son essor il y a plus d’un siècle. Mais, aujourd’hui, il vit une renaissance, comme l’illustrent de petites et moyennes entreprises qui veulent remettre l’humain au cœur du travail.
En fait, le terme recouvre des choses bien différentes : des coops où les clients sont membres, d’autres où les fournisseurs sont membres, et dans le modèle de la coop de travailleurs, les travailleurs sont les propriétaires de l’entreprise.
Bien qu’il soit demeuré un phénomène marginal face au modèle capitaliste dominant, c’est une voie qui a fait ses preuves et qui a aujourd’hui le vent dans les voiles en Europe et dans les Amériques.
Dans certains cas, il permet carrément de sauver une entreprise, de sauver des emplois. Un des exemples les plus étonnants de ce sauvetage s’est produit en 2001 en Argentine, lorsque le pays a été plongé dans une crise économique, sociale et politique sans précédent. Les propriétaires industriels ont fait faillite par centaines et ont abandonné leurs usines, laissant les employés sans travail. Dans certains cas, les salariés ont décidé de se remettre au travail sans les patrons, se saisissant de l’usine et la transformant en une coopérative. On estime que plus de 200 usines ont ainsi été récupérées. Le mouvement des «fábricas recuperadas» est alors devenu un des mouvements de travailleurs autogérés les plus importants dans le monde. Plutôt que de subir leur sort, ils ont décidé de se prendre en main.
Au Québec, ce n’est pas sous l’impulsion d’une crise économique, mais plutôt dans le transfert d’entreprise que la conversion à la coop survient le plus souvent. Quand un propriétaire veut se délester d’une de ses divisions, ou lorsqu’il doit prendre sa retraite, l’option de faire racheter l’entreprise par les travailleurs est souvent la plus naturelle. Ce sont eux qui détiennent l’expertise!
Au-delà du sauvetage des entreprises, les coopératives de travailleurs, et plus largement le mouvement pour la démocratisation de l’économie, est une voie porteuse pour l’avenir, que de plus en plus d’entrepreneurs adoptent. Au Québec, des coops de travailleurs voient le jour presque quotidiennement et dans une multitude de secteurs d’activité : les communications, l’agriculture urbaine, l’aménagement du territoire, les espaces de partage de bureau, le commerce au détail, la production industrielle, le secteur du divertissement et même le journalisme : un média québécois permet d’ailleurs de rester à l’affût des initiatives coopératives et relatives à la gouvernance démocratique : www.ensemble.coop.
Dans le cas de la fameuse «économie du partage», c’est le partage de la propriété qui permettrait de régler bon nombre des problèmes soulevés par ces nouvelles plateformes en ligne.
Face aux défis particuliers que posent la démocratie en entreprise et le partage de la propriété, ces organisations bricolent des solutions, les corrigent au fur et à mesure, tirent des leçons à la faveur de leur application.
Ces entreprises offrent un formidable terrain d’exploration de la prise de décision collective, des rapports de pouvoir horizontaux, du lien travail-consommation et d’une foule d’autres modes d’organisation prometteurs. Leur existence même nous incite à porter un regard critique sur l’organisation actuelle du monde du travail et à envisager un monde économique plus juste.