Une nuit sans lune: Boat People 40 ans après
J’ai eu la chance de visionner le documentaire Une nuit sans lune avant son lancement lundi dernier. Ce magnifique film présente les témoignages bouleversants de différents réfugiés du Viêt Nam arrivés au Québec en 1975 après la chute de Saïgon. Nous pouvons entendre notamment la très intéressante Kim Thúy parler de son expérience comme enfant à bord d’un bateau de réfugiés. Elle revient en détails sur ce qu’elle avait écrit dans Ru. «Les gens assis sur le pont nous rapportaient qu’il n’y avait plus de ligne de démarcation entre le bleu du ciel et le bleu de la mer. On ne savait donc pas si on se dirigeait vers le ciel ou si on s’enfonçait dans les profondeurs de l’eau. Le paradis et l’enfer s’étaient enlacés dans le ventre de notre bateau. Le paradis promettait un tournant dans notre vie, un nouvel avenir, une nouvelle histoire. L’enfer, lui, étalait nos peurs: peur des pirates, peur de mourir de faim […], peur de ne plus jamais fouler la terre ferme.» (Kim Thúy, Ru, p. 13-14)
C’est pratiquement impossible d’être insensible aux différents témoignages de ces survivants. La réalisation du film est sans détour, elle rend hommage à la sensibilité et l’honnêteté des témoignages recueillis par la productrice Thi Be Nguyen, elle-même réfugiée «boat people.» Elle livre un bel exposé de son histoire à travers la jungle aux côtés de ses parents. C’est poignant. C’est beau de voir des gens quitter la guerre et s’en sortir dans la vie. Dans le contexte politique d’aujourd’hui, c’est essentiel de voir ce film et entendre ces gens nous transmettre leurs expériences dans ces bateaux et camps de réfugiés. C’est réconfortant de constater que ces enfants réussissent très bien leur vie aujourd’hui, au Québec. Je suis fier de l’intégration des Vietnamiens, ça donne de l’espoir pour la suite des choses. Selon la production: «ce film est une histoire de courage et de résilience, mais aussi le témoignage d’une intégration réussie dans la société québécoise, et de l’importance du vivre ensemble, un sujet qui résonne encore aujourd’hui.»
Au-delà de la religion, des idéologies et des débats politiques, on ne peut que souhaiter un monde meilleur aux humains qui quittent la guerre, afin de se réapproprier leur dignité et leur liberté. Comme chroniqueur, on me demande souvent pourquoi j’écris couramment sur les réfugiés et les migrants? Sorry, not sorry. Ça m’interpelle, je suis sensible à la souffrance des gens qui fuient la guerre, ça secoue mon imaginaire, dans mon confortable salon avec mes meubles ennuyants achetés dans un centre de liquidation. Encore une fois, j’étais attristé pendant le visionnement de ce film. On est beaucoup trop choyé et gâté par la vie, ici. Il y a matière à faire mieux. Ces histoires m’inspirent et me permettent de voir du positif pour l’avenir. En temps de guerre, les humains doivent être traités commes des humains. Aujourd’hui, il faut avoir la même approche avec les réfugiés syriens qui arrivent chez nous, c’est un sujet qui semble toucher directement au coeur la productrice et la réalisatrice du film.
Les deux femmes derrière le projet sont engagées dans plusieurs causes à l’échelle mondiale. La productrice Thi Be Nguyen oeuvre aujourd’hui dans le domaine philanthropique et a fondé l’organisme UniAction à Montréal, qui se consacre à l’engagement communautaire et aux causes humanitaires. La réalisatrice Marie-Hélène Panisset est, quant à elle, engagée dans la cause féministe, elle est vice-présidente de l’organisme Réalisatrices équitables et elle fait partie de la table de concertation de Téléfilm Canada sur la place des femmes dans le cinéma canadien.
UNE NUIT SANS LUNE retrace le parcours vers la liberté de réfugiés vietnamiens qui ont fui leur patrie après les événements tragiques du 30 avril 1975 quand le régime totalitaire communiste du Nord a renversé le gouvernement démocratique du Sud-Vietnam. Après être passés par les camps de réfugiés et par un bref séjour à la base militaire de Longue-Pointe dans l’est de Montréal, découvrons comment, 40 ans plus tard, des hommes, des femmes, et leurs enfants ont su à force de courage et de résilience réussir leur intégration à la société québécoise et canadienne.
UNE NUIT SANS LUNE, BOAT PEOPLE : 40 ANS APRÈS prendra l’affiche en version originale française avec sous-titres anglais au Cinéma du Parc dès le 21 novembre.
La diffusion d’une version courte du documentaire adaptée pour la télévision est prévue cet hiver sur les ondes de Télé-Québec.
Site officiel : www.unenuitsanslune.com