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L’avenir du nouvel ALENA sera débattu en 2019

Nancy Pelosi Photo: J. Scott Applewhite/The Associated Press

WASHINGTON — Au nord de la frontière, l’accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, obtenu au terme de dures négociations, est considéré comme une question d’importance existentielle lourde d’implications pour les travailleurs, les entreprises et les gouvernements de toutes les allégeances politiques.

Pour Nancy Pelosi, c’est la chute d’une blague.

La démocrate californienne s’amuse au sujet de l’incertitude entourant le nom de l’accord États-Unis-Mexique-Canada, ou AEUMC — une appellation qui témoigne du mépris du président Donald Trump pour le premier accord de libre-échange nord-américain. Ottawa semble maintenant préférer appeler l’accord ACEUM (Accord Canada-États-Unis-Mexique), alors que d’autres évoquent «l’ALENA 2.0» ou «le nouvel ALENA», ou se rabattent tout simplement sur «ALENA».

«Peu importe le nom qu’ils lui donnent maintenant, l’accord commercial anciennement connu sous le nom de Prince — non, je veux dire, anciennement connu sous le nom d’ALENA — est une création évolutive», a plaisanté Mme Pelosi lors d’une conférence de presse tenue le mois dernier, au Capitole, pour présenter les nouveaux élus de son parti à la Chambre des représentants.

Mais plus sérieusement, l’incertitude, les doutes et les sentiments mitigés ne feront que continuer à entretenir un flou autour de l’accord en 2019, en particulier avec l’ambivalente Mme Pelosi, qui devrait devenir chef de la nouvelle majorité démocrate à la Chambre des représentants.

Avec les élections de 2020 dans leur ligne de mire, les démocrates se préparent à mener des batailles acharnées contre leurs rivaux du Parti républicain sur un certain nombre de fronts. Conséquemment, ils seront réticents à accorder à Donald Trump des victoires législatives, malgré tous les discours sur la coopération bipartite depuis les élections de mi-mandat.

Faire respecter l’ACEUM
Le nouvel accord de libre-échange comprend des éléments soutenus par les élus américains de centre-gauche, notamment des protections environnementales et l’obligation, d’ici 2023, que 45% des pièces automobiles soient fabriquées par des travailleurs rémunérés au moins 16$ l’heure. Le Mexique doit également adopter de nombreuses réformes dans sa législation du travail pour soutenir et protéger les femmes, les syndicats et les travailleurs migrants.

Certains ont toutefois déploré le fait que l’accord manque de recours pour faire respecter ses dispositions – un élément qui pourrait menacer l’adoption de l’ACEUM, selon Mme Pelosi et d’autres démocrates.

«Le président doit discuter avec le Congrès à ce sujet, et nous pourrons revenir à la table avec les Mexicains et les Canadiens pour renforcer les normes du travail», a affirmé sur les ondes du réseau CNN le sénateur de l’Ohio Sherrod Brown, que plusieurs observateurs jugent susceptible d’être candidat à la prochaine investiture démocrate à la présidence.

«Cela ne respecte pas la promesse du président, qui avait dit qu’il s’agirait d’une renégociation de l’ALENA, que l’accord aiderait les travailleurs et mettrait un terme à la sous-traitance. L’accord ne fait pas encore ces choses, mais j’espère que ce sera le cas.»

Puis vient le rôle de David MacNaughton, l’ambassadeur du Canada dont les efforts ont été présentés comme essentiels au succès des pourparlers sur l’ACEUM. Il reviendra à l’avant-scène au début de l’année prochaine pour convaincre les démocrates — tant les nouveaux venus que les vieux ennemis du libre-échange — que l’accord constitue le meilleur remède commercial pour les trois pays.

La mission est la même: «s’assurer que les Américains comprennent l’importance des relations économiques avec le Canada, comment nous représentons un grand marché pour eux, à quel point nos économies sont intégrées, en plus de toutes les autres activités que nous faisons ensemble», a souligné M. MacNaughton.

«Dans la mesure où nous pouvons nous assurer qu’ils comprennent l’importance de la relation et de certains éléments de l’accord qui vont améliorer la relation d’un point de vue économique et aider les États-Unis, c’est ce que nous allons faire», a-t-il expliqué. «La priorité cependant, à l’heure actuelle, c’est de se débarrasser des tarifs sur l’acier et l’aluminium.»

Les soi-disant «tarifs de l’article 232» de M. Trump, ainsi nommés en référence à la clause de la loi américaine relative au commerce qui autorise l’imposition de tarifs pour des raisons de sécurité nationale, ne sont pas une blague pour Ottawa. Ils ont failli faire dérailler la cérémonie de signature de l’ACEUM le mois dernier en Argentine, pendant laquelle le premier ministre Justin Trudeau a refusé de montrer aux caméras son certificat signé.

Un enjeu électoral
Et parce que les Canadiens se préparent à retourner aux urnes en octobre, l’année 2019 décevra ceux qui espéraient que la nouvelle année leur apporte une pause des discussions commerciales.

Le nouvel ALENA a ses détracteurs au Canada. Les conservateurs et les néo-démocrates ont fait valoir que les libéraux avaient accordé un accès trop important au marché pour les producteurs laitiers américains, qu’ils avaient abandonné leurs demandes de protection plus longues des brevets de médicaments et qu’ils avaient cédé à la menace de droits de douane sur les véhicules automobiles construits à l’extérieur des frontières américaines.

Et aux États-Unis, les fortes compressions d’emplois et de production annoncées le mois dernier chez General Motors — 14 000 emplois, dont 8000 salariés, et cinq usines fermées, dont une à Oshawa, en Ontario — ont donné à certains élus de la «Rust Belt» l’impression de s’être fait passer un sapin.

«Si nous voyons plus d’usines aller au Mexique, je ne soutiendrai pas l’ALENA 2.0», a déclaré la démocrate du Michigan Debbie Dingell.

Mais il est absurde de jeter le blâme de ces coupes sur un accord commercial qui n’est pas encore entré en vigueur, a observé le président de l’Association des fabricants de pièces d’automobile du Canada, Flavio Volpe.

«Si l’ACEUM était en vigueur aujourd’hui, avec les tarifs de l’article 232 et les tarifs en Chine, General Motors — du point de vue des affaires — ne pourrait pas obtenir une meilleure rentabilité avec l’importation qu’avec la production sur le marché intérieur. Ça s’en vient, mais nous n’en sommes pas encore là.»

Cela ne fera pas les manchettes aux États-Unis, mais au Canada, l’ACEUM sera sûrement un élément incontournable de la campagne électorale de 2019, a estimé Carlo Dade, expert en politiques et directeur du centre de commerce et d’investissement de la Canada West Foundation.

M. Dade s’attend à ce que la majorité des électeurs canadiens appuient l’accord dans une campagne électorale qui pourrait faire écho à la bataille acharnée de 1988, qui reposait sur l’accord original de libre-échange entre le Canada et les États-Unis.

«La seule chose qu’ils aiment encore moins que l’ALENA, c’est l’idée de ne pas avoir l’ALENA», a affirmé M. Dade.

«Nous avons vu cela dans les sondages: pendant des années, les Canadiens se plaignaient constamment de l’ALENA. Dès que M. Trump a déclaré qu’il songeait sérieusement à s’en retirer, les sondages ont basculé.»

«Je pense que cette dynamique va émerger à nouveau.»

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