Les vérités et les mensonges du débat entre Trump et Biden
WASHINGTON — L’annonce de l’infection de Donald Trump par la COVID-19, vendredi, a créé un rebondissement majeur dans la campagne et a même provoqué une accalmie sur le compte Twitter du président pendant un certain temps. Mais le débat présidentiel chaotique de mardi dernier a produit son lot de fausses affirmations et de vérités tronquées. En voici quelques-unes.
L’assurance maladie
M. Trump: «Nous avons garanti l’assurance pour les personnes ayant des conditions préexistantes.»
Les faits: Ce n’est pas vrai. Les protections pour les personnes ayant des conditions préexistantes ne sont pas garanties par le récent décret exécutif de M. Trump, même si le président a déclaré que cela avait été «confirmé, signé et fait, afin que nous puissions mettre cela derrière nous».
Si la Cour suprême, dans une décision qu’elle doit rendre après les élections, juge inconstitutionnelle la réforme des soins de santé mise en place par le président Barack Obama, le Congrès et le président devront promulguer une loi pour remplacer la disposition de l’Obamacare prévoyant que les personnes ayant des problèmes de santé ne peuvent se voir refuser une assurance ou être facturées davantage en raison de leur état de santé.
Diverses propositions républicaines débattues en 2017 en remplacement de l’Obamacare auraient affaibli cette disposition de la loi. Par exemple, une proposition aurait obligé les gens à maintenir une couverture d’assurance continue afin d’éviter un supplément sur leurs primes pour une police individuelle.
Le décret de Donald Trump stipule que son administration s’est engagée à assurer des soins abordables aux personnes atteintes d’une maladie préexistante, mais elle ne fait rien concrètement pour assurer cette protection. Le décret comporte une clause de non-responsabilité générale selon laquelle elle «n’a pas pour but de créer et ne crée aucun droit ou avantage, de fond ou de procédure». En d’autres termes, il s’agit d’un décret symbolique.
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Les manifestations
Biden: «Sa propre ancienne porte-parole a dit, vous savez, que les émeutes, le chaos et la violence aident sa cause. C’est de cela qu’il s’agit. »
Trump: «Je ne sais pas qui a dit ça.»
Biden: «Moi je le sais.»
Trump: «Qui?»
Biden: «Kellyanne Conway.»
Trump: «Je ne pense pas qu’elle ait dit ça.»
Vérification faire: Elle a bel et bien dit cela.
«Plus le chaos, l’anarchie, le vandalisme et la violence règnent, mieux c’est pour choisir très clairement qui est le meilleur en matière de sécurité publique et d’ordre public», a déclaré la conseillère de M. Trump à l’émission «Fox and Friends» le 27 août.
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Trump: «À Portland le shérif vient de sortir aujourd’hui et il a dit: « Je soutiens le président Trump. »»
Les faits: Il a dit exactement le contraire. Le shérif Mike Reese, du comté de Multnomah, dans l’Oregon, où se trouve Portland, a affirmé: «Je n’ai jamais soutenu Donald Trump et je ne le soutiendrai jamais.» Portland a été l’un des épicentres des manifestations contre les injustices raciales aux États-Unis.
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Biden: «Il y a eu une manifestation pacifique devant la Maison-Blanche. Qu’est-ce qu’il a fait? Il est sorti de son bunker, les militaires ont utilisé des gaz lacrymogènes.»
Les faits: Pas exactement. Ce sont les forces policières, et non l’armée, qui ont utilisé des irritants chimiques pour déloger des manifestants pacifiques de la place Lafayette, tout près de la Maison Blanche, le 1er juin.
Et il n’y a aucune preuve montrant que M. Trump s’était réfugié dans un bunker à ce moment-là. Mais quelques jours plus tôt, des agents du Secret Service avaient précipité le président dans un bunker de la Maison-Blanche alors que des centaines de manifestants étaient rassemblés devant la résidence, certains jetant des pierres et tentant de faire tomber les barricades de la police.
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Le vote
Trump: «Un bulletin de vote sollicité, OK, sollicité, c’est OK. Vous le sollicitez. Vous le demandez. Ils l’envoient. Vous le renvoyez. Je l’ai fait. Si vous en avez un non sollicité, ils envoient des millions de bulletins de vote dans tout le pays. Il y a de la fraude.»
Les faits: Il surestime largement le potentiel de fraude électorale.
Il n’existe pas de bulletins de vote «non sollicités». Cinq États envoient habituellement des bulletins de vote à tous les électeurs inscrits afin qu’ils puissent choisir de voter par la poste ou en personne. Quatre autres États et le district de Columbia adopteront ce système en novembre, de même que presque tous les comtés du Montana. Les responsables électoraux notent qu’en s’inscrivant pour voter, les gens demandent effectivement un bulletin de vote, et qu’il est donc insensé de qualifier les documents qui leur sont envoyés de «non sollicités».
Plus largement, la fraude électorale s’est avérée extrêmement rare aux États-Unis. En 2017, le Brennan Center for Justice a classé la probabilité de fraude électorale entre 0,00004 % et 0,0009 %, en se fondant sur des études sur les élections passées.
Dans les cinq États qui envoient habituellement des bulletins de vote par la poste à tous les électeurs, il n’y a eu aucun cas majeur de fraude ou de difficulté à compter les votes.
M. Trump affirme fréquemment que les bulletins de vote «non sollicités» constituent des irrégularités et des fraudes, tout en insistant sur le fait que les bulletins de vote «sollicités» dans certains États comme la Floride, un État incontournable pour lui, sont bons et sûrs.
Mais les bulletins de vote «non sollicités» sont déposés de la même manière que les bulletins de vote «en absence» ou «sollicités», avec le même niveau de contrôle, comme la vérification des signatures dans de nombreux États.
Sur les neuf États qui envoient automatiquement des bulletins de vote aux électeurs inscrits, seul le Nevada est considéré comme un État clé. Les principaux États pivots — l’Arizona, la Floride, le Michigan, la Caroline du Nord, la Pennsylvanie et le Wisconsin — envoient des bulletins de vote par correspondance uniquement aux électeurs qui en font la demande, ce que M. Trump a jugé «OK».
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La distribution des vaccins
Trump: «Eh bien, nous allons les livrer tout de suite. Nous avons tous les militaires en place. Sur le plan logistique, tout est prêt. Nous avons notre armée qui fournit des soldats et ils peuvent en faire 200 000 par jour. Ils vont livrer (…) tout est prêt.»
Les faits: Ce n’est pas vrai.
Le Pentagone a déclaré dans un communiqué que les Centres américains de prévention et de contrôle des maladies sont responsables de l’exécution du plan de distribution des vaccins au public le moment venu. Le département de la Défense contribue à la planification mais, à quelques exceptions près dans les régions éloignées, ne livrera pas de vaccins, comme le président l’a affirmé.
«Notre meilleure évaluation militaire est qu’il existe une capacité de transport commercial suffisante aux États-Unis pour soutenir pleinement la distribution de vaccins», indique le communiqué du Pentagone. «Il ne devrait pas y avoir besoin d’un engagement important des unités ou du personnel de la Défense pour soutenir la distribution nationale de vaccins. Tout soutien requis du département de la Défense constituerait une exception.»
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Le bilan de la pandémie
M. Trump, s’adressant à M. Biden sur le nombre d’Américains ayant perdu la vie à cause de la COVID-19: «Si vous étiez ici, ce ne serait pas (200 000 personnes), ce serait deux millions de personnes parce que vous étiez très en retard sur le (plan de riposte). Vous ne vouliez pas que je bannisse la Chine, qui était fortement infectée (…) Si nous vous avions écouté, le pays aurait été laissé grand ouvert.»
Les faits: L’affirmation audacieuse voulant que M. Biden, s’il avait été président, aurait vu deux millions de morts ne s’appuie sur aucun fait tangible. M. Biden ne s’est jamais prononcé contre la décision de M. Trump de restreindre les voyages depuis la Chine. M. Biden a mis du temps à prendre position sur la question, mais quand il l’a fait, il a soutenu la décision. M. Biden n’a jamais conseillé de laisser le pays «grand ouvert» face à la pandémie.
M. Trump a prétendu à plusieurs reprises et à tort avoir interdit les voyages en provenance de Chine. Dans les faits, il les a seulement restreints.
Plus de 27 000 Américains sont revenus de Chine continentale au cours du premier mois suivant l’entrée en vigueur des restrictions. De plus, l’Associated Press a constaté que plus de 8000 ressortissants chinois et étrangers établis dans les territoires chinois de Hong Kong et de Macao sont entrés aux États-Unis au cours des trois premiers mois des restrictions.
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Les rassemblements
M. Trump, en parlant de ses rassemblements électoraux en pleine pandémie: «Jusqu’à présent, nous n’avons eu aucun problème. C’est à l’extérieur, c’est une grande différence selon les experts.»
Les faits: C’est incorrect. M. Trump a organisé un rassemblement en salle à Tulsa à la fin du mois de juin, attirant à la fois des milliers de participants et de grandes manifestations. Les nouveaux cas de coronavirus dans le comté ont plus que doublé pour atteindre un niveau record au cours de la première semaine de juillet, et les responsables locaux de la santé ont estimé que le rassemblement avait probablement contribué à la situation. Et on sait maintenant que M. Trump a contracté la COVID-19, sans qu’on puisse savoir où et comment la contamination s’est produite.
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La pandémie de grippe H1N1
M. Trump, s’adressant à M. Biden: «Vous n’avez pas très bien réussi dans la grippe porcine H1N1. Vous avez été un désastre.»
Les faits: Premièrement, en tant que vice-président, M. Biden ne dirigeait pas la réponse fédérale à la pandémie de 2009. De plus, le réseau gouvernemental de surveillance de la grippe a rapidement détecté les premiers cas. Une urgence de santé publique a été déclarée environ deux semaines plus tard.
Il a fallu sept semaines à l’administration Trump pour déclarer l’état d’urgence après l’annonce du premier cas de COVID-19 dans le pays.
Près de 210 000 personnes sont mortes de la COVID-19 aux États-Unis. La pandémie de grippe H1N1, 2009-2010, a fait environ 12 500 morts dans le pays, selon le gouvernement américain.
Calvin Woodward et Hope Yen, The Associated Press