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Petite-Vallée: Capteur de rêves

Photo: Mélissa Trépanier/Collaboration spéciale

Métro était à la 34e édition du Festival en chanson de Petite-Vallée, en Gaspésie. Compte-rendu.

C’est en dansant sur des airs festifs des Beatles, interprétés par Les Ringos, une formation composée d’Éric Goulet, Marc Déry, Marc Chartrain et André Papanicolaou, que le Festival en chanson de Petite-Vallée a pris fin samedi dernier.

Encore une fois, les organisateurs du festival chouchou des amateurs de musique et des artistes ont su mettre à profit leur fabuleux sens de l’initiative pour le plus grand bonheur des festivaliers, qui ont vécu des moments uniques et exquis.

Avant le grand spectacle de clôture country animé par Mountain Daisies, avec les invités Isabelle Boulay, Marie-Ève Janvier, Jean-François Brault, Bruno Pelletier et Marc Hervieux – ovationné pour sa reprise country de…. Caruso! –, le grand manitou de l’événement, Alan Côté, a demandé à l’assistance de donner un coup de main pour empiler les chaises à la fin du concert. Une invitation qui en dit long sur le sens de la solidarité des Gaspésiens. Eux qui, année après année, parviennent à mettre sur pied un festival qui est en quelque sorte la «porte d’entrée de la chanson québécoise», comme l’a souligné Charles-Antoine Gosselin, un des huit «chansonneurs». Ces jeunes qui viennent parfaire leur art en travaillant en atelier avec des artistes chevronnés, comme Yann Perreau et Marie-Claire Séguin, ou avec les paroliers et les compositeurs, Edgar Bori et Pierre Flynn.

Se retourner sur un dix cents
Contrairement aux précédentes éditions, les grands concerts qui se déroulaient dans l’église de Cloridorme ont eu lieu sous un chapiteau à Grande-Vallée, le village d’à-côté. La raison? Une pétition qui s’opposait au retrait des inconfortables bancs d’église pour des chaises mieux adaptées à des spectacles a circulé. Ce qui a obligé les organisateurs à se «retourner sur un dix cents». Mais encore là, il a fallu user d’imagination et de persévérance pour venir à bout des contraintes administratives dues à quelques personnes à l’esprit chagrin, qui voyaient le retour des activités festivalières de ce côté-ci de la Vallée d’un mauvais œil, nous a-t-on soufflé en coulisses.

Qu’à cela ne tienne pour les jeunes «qui se voyaient déjà en haut de l’affiche», les festivaliers et les membres du gotha de la chanson, la magie a opéré à maintes reprises. Notamment avec Dumas qui, malgré une panne d’électricité imputable à la foudre, a livré un spectacle… du tonnerre! «Trouvez-moi une boule disco et je vous fais votre show», demanda le sympathique faiseur de mélodies avant de livrer une prestation acoustique en plein milieu du Théâtre de la Vieille Forge, entouré des spectateurs qui n’en revenaient pas de leur chance d’assister à ce moment privilégié.

Tout cela sous le regard ravi d’Alan Côté qui, haut perché dans le théâtre, tenait une torche électrique en guise d’éclairage! On en aurait pris encore pendant des heures. Ce concert a eu lieu après celui des Trois Accords, les passeurs (lire: les artistes parrains) de cette édition. Un concert qui nous a rappelé que, bien que le seul nom de la formation évoque un plaisir coupable, il n’en reste pas moins que ses membres sont de redoutables bêtes de scène et que leurs chansons trempées dans le glutamate mono sodique sont des plus addictives.

Fraternité palpable
Après une courte panne d’électricité sous le chapiteau qui rassemblait près de 1400 personnes, ils sont remontés sur scène avant, rebelote, une autre panne au moment du rappel! Basta la panne: «Saskatchewannnnnnn, tu m’as pris ma femme, elle m’a crissé-là pour un gars de Régina», ont-ils chanté avec une foule en liesse et des centaines de portables allumés; ça vous revigore la petite flamme intérieure.

Parlant de flamme, le très respecté Florent Vollant est venu nous montrer de quel bois il se chauffe lors de la journée consacrée aux nations autochtones. On dit souvent que la majorité blanche et les minorités s’ignorent, hélas, trop souvent. Ce soir-là pourtant, rencontre il y a eu et les veinards qui y étaient n’oublieront pas de sitôt la fraternité palpable pendant le makusham, qui a pris cette fois la forme d’une danse à la queue leu leu autour de la salle. Coup de cœur pour Matiu, ce jeune Innu de Maliotenam, vêtu d’un t-shirt à l’effigie de Kiss qui chanté la réalité de l’endroit avec un franc-parler entrainant qui n’était pas sans rappeler le regretté Dédé des Colocs. Et que dire de la force tranquille de Gilles Sioui, qui fait penser à un Cohen ou un Desjardins doublé d’un doigté guitaristique particulièrement hallucinant. Il nous faudrait encore beaucoup d’espace pour parler des moments forts de ce Festival unique en son genre tant par la qualité de sa programmation que par la majesté de l’endroit où il se déroule.

Soulignons au passage les spectacles de Guillaume Beauregard, l’ex-leader de Vulgaires Machins qui fait solo et, pour une raison obscure, était passé sous mon radar.

Coups de cœur

  • Salve spontanée d’applaudissements non pas pour un solo de guitare ou de batterie, mais pour la qualité du texte de la chanson «Rapiécé l’avenir» du trop excellent Tire le coyote.
  • Dumas qui a livré un spectacle du tonnerre, malgré une panne d’électricité.
  • Se déchirer la voix en chantant Saskatchewan avec… Pierre Flynn.
  • Le florilège de poésie chantée par la succulente Chloé Sainte-Marie, qui éleva le public à vol d’albatros.
  • La reprise de «Les Charognards» de Renaud par Paule-Andrée Cassidy et sa fille Lou-Adriane (des amies de l’auteur, transparence); le chant des baleines, nombreuses cette année, dans les eaux du parc national Forillon; et la fraternelle et festive danse makusham autour de la salle pendant le concert de Florent Vollant.

Déceptions

  • Philémon Cimon, comme un dandy trash, a livré une performance yéyé-rock avec textes des plus convaincants, mais l’on a attendu en vain son superbe morceau «Je te mange». On réécoutera en boucle «Les sessions cubaines».
  • La jeune génération de chansonneurs semble, dans bien des cas, avoir attrapé ce virus anglo-saxon qui consiste à faire des chansons planantes dont les textes se noient dans le reverb. N’est pas Louis-Jean Cormier qui veut.
  • Seize (!) nouvelles pièces de chansonneurs à découvrir, un house band qui, forcément uniformise, et des textes souvent difficiles à entendre combinées au temps froid régnant sous le chapiteau lors du concert très attendu de Pierre Flynn, lui qui, de son côté, demeure excellent.
  • Plume qui, bien que ce soit légitime du point de vue artistique, ne chante presque plus de chansons de son répertoire le plus célébré par les fêtards du Québec. Rendez-nous notre Mononc’ Pluplu.
  • La trop faible assistance pendant le concert de l’excellent Guillaume Beauregard, l’ancien leader de Vulgaires Machins, qui a livré, avec un savoureux humour décalé en guise d’interventions, les pièces de son magistral «D’étoiles, de pluie et de cendres».

Au moment d’écrire ces lignes assis face à la mer, j’observe un phoque qui joue à cache-cache tandis que le feu de camp qui a éclairé les accords de Marc Déry jusqu’à l’aube s’éteint tranquillement sur la grève sous un ciel rosé de pastel.

Rendez-vous pour la 35e édition l’an prochain qui promet d’être des plus mémorables dans ce lieu qui, entre mer et montagne, fait office d’immense capteur de rêves.

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