L’actrice iranienne Baharan Baniahmadi ose renaître en liberté

Baharan Baniahmadi, actrice et auteure iranienne, cofondatrice de l'Agence On est là ! Photo: Hamed Aleali / courtoisie

Dès son jeune âge, Baharan Baniahmadi s’évadait à travers l’imaginaire des histoires que sa mère lui lisait et les paroles des berceuses chantonnées par sa grand-mère. La dramaturge née à Téhéran en 1984 pendant la guerre Iran-Irak trouvait alors refuge dans l’art, lequel l’a l’inspirée à pondre ses propres histoires quelques années plus tard.

«J’ai choisi inconsciemment l’art pour pouvoir créer un autre monde, pour imaginer un univers meilleur que la vie réelle», lance l’auteure engagée, récemment lauréate 2022 du prix Paragraphe Hugh MacLennan de la Quebec Writer’s Federation, pour son troisième roman Prophetess, qui aborde le trauma, les droits des femmes et la religion à travers un récit porté par une petite fille de sept ans.

Bien que Mme Baniahmadi garde en mémoire le traumatisme de son enfance en temps de guerre et l’oppression subie par les femmes en Iran, elle souhaite, avec ses romans, donner le courage aux femmes d’oser suivre leurs rêves.

En quête de liberté

À l’âge de 22 ans, Mme Baniahmadi a quitté son pays d’origine pour s’établir en France, où elle a vécu pendant trois ans, jusqu’au déclenchement du Mouvement Vert en Iran en 2009. À la lumière de ce mouvement, elle a alors décidé d’y rentrer.

«On voulait reformer un régime qui n’est pas réformable», déplore celle qui décide tout de même de rester aux côtés de sa famille et de se forger une carrière comme actrice et écrivaine. C’est ainsi que, durant sa vingtaine, la jeune femme aux cheveux ébène incarne plusieurs rôles à la télévision et dans des films iraniens.

«On mettait beaucoup de pression pour que les actrices portent le voile devant la caméra, on était traumatisées», dit Mme Baniahmadi, diplômée en théâtre de l’Université d’art de Téhéran et en philosophie de l’Université Saint-Denis.

«Je ne voulais plus prétendre être quelqu’un d’autre et cela commençait par pouvoir avoir le droit de choisir ce que je veux porter», dit celle qui songeait à émigrer au Québec un jour.

Un nouveau départ

Dès son arrivée dans la Belle Province au début de 2018, Mme Baniahmadi a su frayer son chemin dans le domaine artistique. Elle a incarné des rôles dans plusieurs productions et téléséries québécoises, telles que Chaos, Toute la vie et Alertes.

Je ne suis pas née au Québec, mais ici, j’ai pu renaître. Je me suis retrouvée.

Baharan Baniahmadi, artiste multidisciplinaire iranienne

En 2021, elle cofonde l’Agence On est là ! aux côtés de son mari et de plusieurs autres artistes chevronnés d’origines diverses. La mission de l’agence est de soutenir les artistes et artisans issus de la diversité et à accroître leur représentation au sein des productions québécoises.

Oser lever sa voix

«Jusqu’à la mort de Mahsa Amini, je pensais que j’étais libre, mais je ne l‘étais pas vraiment», mentionne Mme Baniahmadi, profondément touchée par la révolution des femmes iraniennes déclenchée à la suite du meurtre de la jeune femme en septembre dernier.

«Même si je vis dans un pays libre depuis quelques années maintenant, je portais toujours un chapeau ou un foulard lorsque j’étais devant la caméra et le public. J’avais toujours peur», nous confie-t-elle.

Je me suis demandé pourquoi j’avais peur dans un pays libre, alors que mes sœurs et mes frères sacrifient leurs vies pour la liberté en Iran.

Baharan Baniahmadi, originaire de Téhéran

«Quand j’ai vu que mes compatriotes étaient en train de sacrifier leurs vies pour récupérer notre pays du régime qui l’a colonisé il y a près d’un demi-siècle, j’ai changé. Maintenant, je suis libre, je suis moi-même», affirme-t-elle. Elle a depuis deux mois décidé de s’afficher sans foulard ni chapeau sur les réseaux sociaux en guise de solidarité avec ses consœurs iraniennes.

Femmes, vie, liberté

«Nous avons vécu des choses au Moyen-Orient qui sont loin de la réalité des gens en Occident. Je suis contente d’avoir vécu ça, parce qu’aujourd’hui je peux porter un message et peut-être changer des choses», dit la mère de famille, qui souhaite «faire de son mieux» pour être la voix de femmes iraniennes, afghanes et autres citoyennes qui n’en ont pas.

Femmes, vie, liberté est l’une des plus belles révolutions au monde.

Baharan Baniahmadi, cofondatrice de l’Agence On est là!

«La liberté n’est pas une affaire individuelle, il faut faire en sorte que tout le monde soit libre et heureux. Si l’on reste silencieux par rapport à ce qui se passe ailleurs, dans un autre pays qui n’est pas libre, le danger pourrait arriver ici un jour et ce seront nos enfants qui paieront pour ça.»

Mme Baniahmadi travaille actuellement sur son premier roman francophone, intitulé La conjugaison du verbe françER. Le récit abordera les défis d’intégration d’une femme du Moyen-Orient immigrante au Québec et son apprentissage de la langue française. Elle travaille parallèlement sur son projet de théâtre Invisible veil, qui portera également sur les femmes et l’immigration au Québec.

Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.

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