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«Old Lives Matter»? Âgisme systémique au Québec, dit Réjean Hébert

Une personne âgée sur un lit d'hôpital dans une aile d'hospitalisations pour la covid-19.
Photo: Istock

La pandémie de COVID-19 a été le révélateur d’un «âgisme systémique» au Québec, a déclaré le gériatre Dr Réjean Hébert devant la coroner lors des audiences publiques portant sur le volet national de l’enquête sur la gestion de la pandémie dans les CHSLD. Il déplore l’absence d’un mouvement Old Lives Matter.

«On a fait très peu de cas de ces milliers de morts chez les personnes âgées. On n’a pas vu de mouvement Old Age Matters nul part. […] On est restés indifférents par rapport à cette hécatombe importante», a souligné Dr Hébert. Le terme Old Age Matters, ou Old Lives Matter, est une référence au mouvement Black Lives Matter lancé aux États-Unis en 2013. Le mouvement a eu des échos partout à travers la planète, y compris au Québec.

Le Dr Hébert, qui a été ministre de la Santé du Québec de 2012 à 2014, était la première personne à témoigner lundi matin dans le cadre du volet national de l’enquête de la coroner sur la tragédie dans les CHSLD.

Le Québec a connu le taux de mortalité en CHSLD le plus élevé au Canada. Les institutions de Montréal ont connu plusieurs ratés, notamment le CHSLD Herron, qui fait l’objet de son propre volet dans le cadre de cette vaste enquête de la coroner Géhane Kamel. Malgré cela, il n’y a pas eu de soulèvement de la population dans la province, a fait remarquer le médecin.

En effet, la grande majorité de la population québécoise se dit satisfaite de la façon dont le gouvernement a géré la crise dans les CHSLD, révèle un sondage CROP. Quant à leur satisfaction par rapport aux dirigeants de ces milieux de vie pour aînés, à peine 50% des répondants sont peu ou pas du tout satisfaits.

Pour le Dr Hébert, cette situation témoigne d’un «âgisme systémique» qui sévit au Québec.

Alors on a un problème d’âgisme! Un vieux, c’est moins important qu’une autre personne dans la société.

Dr Réjean Hébert, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Mauvaise gestion de la pandémie et négligence de longue date

Par ailleurs, Dr Réjean Hébert lie la surmortalité dans les milieux de vie pour aînés à la mauvaise gestion de la pandémie dans ces institutions lors de la première vague. À cela s’ajoute la négligence des CHSLD avant la crise. 

Plusieurs problèmes, comme la gestion et la gouvernance déficientes, le financement insuffisant, les pénuries de personnel, le manque d’encadrement médico-infirmier, la vétusté des installations, ont été révélés par la pandémie.

«Il y avait déjà un déficit de soins et un déficit au niveau des installations dans les CHSLD qui datait d’avant la pandémie», a expliqué le gériatre.

De plus, les CHSLD sont restés dans «l’angle mort» de la gestion de la pandémie durant la première vague de COVID-19, a indiqué Dr Hébert. «On a priorisé les hôpitaux», a-t-il précisé.

Le professeur a fait ses recommandations, y compris la reconnaissance de l’âgisme systémique, à la coroner qui préside l’enquête, Me Géhane Kamel. «Il faut mettre en place un vaste chantier des CHSLD. Au niveau de la gouvernance, il faut éliminer les CHSLD privés non conventionnés. Il faudrait revoir la gouvernance de ces gros monstres que sont devenus les CISSS et CIUSSS», pense notamment le Dr Réjean Hébert. 

Le rôle de la malnutrition

Lundi après-midi, c’était au tour de la présidente de l’ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec, Paule Bernier, de présenter ses recommandations à la coroner.

Mme Bernier a indiqué avoir «tendance à croire» que la malnutrition a joué un rôle dans l’infection, la sévérité de la maladie, le décès des résidents en CHSLD. En effet, elle a souligné combien la dénutrition, jumelée à une infection à la COVID-19, pouvait aggraver les maladies chroniques existantes.

Par ailleurs, Paule Bernier a identifié trois grands problèmes liés à la nutrition dans les CHSLD, soit l’absence de dépistage d’une malnutrition, l’inadéquation entre les effectifs en diététistes-nutritionnistes et les besoins en services de nutrition clinique, ainsi que l’offre alimentaire non adaptée aux besoins des résidents et la perte de l’expertise nutritionnelle au sein des services d’alimentation en raison de l’embauche de personnes sans compétence dans le domaine.

Pour ce volet national, qui s’échelonnera du premier novembre au 3 décembre, une quarantaine de personnes seront appelées à témoigner au palais de justice de Québec.

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