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Mélodie Nelson: Tout ce qui brille

Photo: Josie Desmarais/Métro

Obsédée par Britney, Alexis Lauren Hortons rêve d’un tas de trucs. D’avoir un poney. De marier une rock-star. De faire la sieste avec des pandas roux. Mais ce dont elle rêve surtout, c’est de devenir Miss Teen USA. Sous la plume de Mélodie Nelson, son épopée vers le diadème sera étourdissante, délirante, Juicy.

Alexis Lauren Hortons croit que «tout est possible». Et par «tout», elle veut vraiment dire tout. S’il y a des obstacles, ils ne l’affecteront pas, elle en est sûre. Certaine. Dans son univers où Perez Hilton et Dr. Phil font office de figures presque rassurantes, elle se rassure, elle, en se disant : «Je suis superbe. Je le suis vraiment. Ce n’est pas ma faute si j’ai un front trop long.»

Seule dans son royaume, Alexis rêve de devenir une princesse à la Paris Hilton, qui porte si bien le jegging aux fesses marquées du mot «Juicy». C’est d’ailleurs cette image, Paris en Juicy, qui a inspiré le titre du premier livre de fiction de Mélodie Nelson. Une auteure montréalaise qui, en 2010, avait fait paraître Escorte, le récit de son expérience en tant que telle.

Cette fois, c’est un pastiche coloré et éclaté des bouquins Harlequin que l’écrivaine propose. Une histoire qui donne le tournis, qui se déroule aux États-Unis et qui reprend, en les teintant d’une «sexualité exagérée», les grandes étapes du genre susmentionné. À savoir : «La rencontre, le coup de foudre, la première rupture, la séduction, le projet commun, le mariage, la rupture finale.»

L’héroïne de Mélodie, Alexis donc, traverse toutes ces étapes à une vitesse folle, se faisant couronner reine de beauté, pincer aux douanes avec de la drogue («je pensais que c’était du sucre à glacer!»), voyant son espoir de se faire offrir le plus gros diamant du monde sur le dos d’un hippopotame s’écrouler, changeant de prénom, devenant actrice de film X.

Mais quand commence l’histoire, elle est encore convaincue que le jour où elle perdra sa virginité sera le plus beau de toute sa vie. Encore plus que celui où sa maman «lui a permis de porter des extensions capillaires comme Lindsay Lohan». Encore plus que celui où son papa lui a «promis un appareil orthodontique transparent et un voyage à Cuba» si elle cessait de fumer des cigarettes dans sa garde-robe. Sa maman et son papa, d’ailleurs, elle en parle toujours avec affection. Même s’ils sont moins présents dans sa vie que les baristas qui lui servent des boissons aux noms interminables à consonance aristocratique. Venti Skinny Vanilla Latte. Ça fait presque titre de noble. «C’est une obsession que j’ai, ces appellations de boissons qui durent une éternité! s’esclaffe Mélodie. Leur sonorité snob, superficielle. Et Alexis est à fond dans le superficiel.»

Elle est aussi, ajoute l’auteure, profondément narcissique. Pourtant, pour tout son égoïsme et ses déclarations dénuées de conscience d’autrui et du monde, il lui arrive d’avoir des réflexions drôlement lucides. Et même, parfois, de citer Paulo Coelho. «Ah! Paulo! s’exclame Mélodie. C’est un gars que j’aimais beaucoup qui me l’avait fait découvrir au secondaire. Je l’avais trouvé merveilleux, je surlignais des phrases dans ses livres, j’écrivais des passages dans mon agenda. Même si je ne le lis plus, il m’a beaucoup apporté.»

Elle voulait également que M. Coelho apporte «ses idées très ouvertes sur l’avenir, son côté positif» à son héroïne qui, pour tout le clinquant, tous les voyages, toutes les fêtes, mène une existence très solitaire.

Une existence dans laquelle les animaux sont omniprésents. Et où on s’endort dans les bras de son boa domestique. Où on se «saoule de réconfort canin». À défaut d’en avoir de l’humain.

Pour ce qui est des bouquins, qui pourraient éventuellement offrir une certaine consolation, ils semblent ici aussi superficiels que les propriétaires. Ils traînent au coin d’une table, vierges de toute lecture. Comme ce grand album de photos de pâtisseries végétaliennes. «Quand on regarde les revues à potins et les photos de maisons de stars, les livres sont toujours utilisés comme objets de décoration, remarque Mélodie. Ils n’ont jamais l’air feuilletés, les coins ne sont jamais pliés et ils ne sont jamais tachés de café. Ils sont juste beaux et on les met là parce que, oh, les murs sont blancs, ça va bien ensemble. Je voulais m’en moquer.»

Comme elle souhaitait se moquer de ces causes parfois tellement tirées par les cheveux sur lesquelles les stars apposent leur nom. Et les événements caritatifs où elles se pavanent. «Au fond, ça sert à quoi? s’interroge l’auteure. Principalement à se faire voir. À se faire photographier. Pas tant à vraiment aider.»

Ainsi, dès les premières pages, sa California Girl de narratrice déclare vouloir «écrire aux Nations unies pour se proposer comme assistante d’Angelina Jolie, voyager partout dans le monde en jet privé, sauver plein de bébés sidéens et leur trouver de meilleures mères en Occident.» Elle enchaînera tout au long du roman, disant vouloir «bâtir des orphelinats», «sauver les chiens leucémiques», «trouver un vaccin contre les bas collants troués». Elle enchaînera, oui, car elle n’arrête jamais de parler, catapultant les phrases à un rythme mitraillette. Et finissant enfin par avouer, au détour, juste comme ça : «J’ai de la difficulté à respirer quand il y a trop de silence.» Ce silence qu’elle «bannit de sa vie». «Que ce soit par la parole ou par le sexe, elle remplit le vide. Sinon, elle ne se sent pas à la hauteur.»

De la même façon qu’elle ne se sent pas à la hauteur pour ses parents. Qui mettent sur son dos toutes leurs déceptions. «Elle n’a pas réussi à réaliser leurs rêves, elle se sent coupable, elle en est consciente. Elle aurait aimé que sa mère soit fière d’elle. Elle se sent comme une erreur.» Et c’est notamment dans de tels moments que l’auteure, maman de deux enfants, ressent une vague de tendresse pour sa protagoniste parfaitement imparfaite. «Je l’aime tellement. J’aimerais que ce soit ma petite sœur!»

«C’est beau, les grandes histoires d’amour. Mais faut-il toujours les viser?»

Se disant «à la fois très naïve et très critique», Mélodie Nelson bouleverse dans ce livre l’idée que «tout le monde est responsable de son propre destin» et que, bruit d’ongle sur un tableau noir, «quand on veut, on peut». Les rêves parcourent ainsi son récit, oui. Mais ces rêves se fracassent, éclatent en mille morceaux et tournent au cauchemar. «Ce n’est pas vrai que tout est possible, croit l’auteure. Ce n’est pas vrai que nous avons juste à le vouloir vraiment, à agir, à nous réveiller avec le sourire pour que le ciel nous sourie en retour pendant que les oiseaux nous jouent dans les cheveux. Ça ne fonctionne pas comme ça.»

Ce qui fonctionne, toutefois : son roman rythmé et singulier qui, précise-t-elle, est «davantage un divertissement qu’une critique». Qui possède également beaucoup de moments rigolos, malgré les touches sombres et tristes mentionnées ci-dessus. «J’ai vraiment eu du plaisir à l’écrire, sourit Mélodie. Je m’en suis donné à cœur joie.» À vous maintenant.

Juicy
En librairie aux Éditions de ta mère
Lancement lundi à 19h au Sporting Club
4671, boulevard Saint-Laurent

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