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Mohawk Girl: Histoire de filles

Photo: MIPCOM

Quand elle était petite et qu’on lui demandait ce qu’elle voulait faire plus tard, Brittany LeBorgne s’exclamait invariablement: «Actrice!» Et recevait invariablement pour réponse: «Je ne pense pas que tu devrais. Je ne pense pas que tu pourrais.» Puis, elle a grandi. Puis, est arrivé Mohawk Girls. Puis, 
sa vie a changé.

Parler du quotidien sur une réserve indienne avec humour, parler de la recherche de l’amour, de sa place dans le monde. Aborder des enjeux politiques, identitaires. Sonder la famille, l’amitié, la fierté de ses racines. Traiter de sexualité, d’ambition. Faire rayonner sa culture, rejoindre l’autre, l’y intéresser.

Le 14 novembre, la cinquième et ultime saison de Mohawk Girls démarrera sur les ondes du Réseau de télévision des peuples autochtones, mieux connu sous le sigle APTN. Et la série comique fera de nouveau toutes ces choses.

Pas de doute, il s’agit d’un solide succès de la boîte de production montréalaise Rezolution Pictures. Une compagnie fondée en 2001 qui nous a récemment donné le superdocumentaire sur les musiciens autochtones oubliés du rock, Rumble – The Indians Who Rocked the World.

Christina Fon, productrice déléguée de ladite boîte rappelle que sa vision, celle de ses collègues, consiste toujours à parsemer les propos d’un peu de blagues. De quelques sourires. «De ne pas montrer du doigt.» «Habituellement, les enjeux autochtones sont abordés avec tristesse. Et, surtout, avec plein de stéréotypes. Les personnages possèdent l’une ou l’autre de trois caractéristiques. Soit ils sont stoïques. Soit ils sont sages. Soit ils sont alcooliques.»

Ces vieux clichés, Rezolution Pictures s’y est déjà attaquée en 2009, avec le documentaire Reel Injun. Consacré à «l’image caricaturale de l’Indien dans le cinéma hollywoodien».
La boîte de prod a récidivé avec Mohawk Girls, donc, dont la première saison a été diffusée sur les ondes d’APTN en 2014.

«Nous avons toujours eu un penchant pour les protagonistes qui ont de l’humour. Et qui traversent des épreuves réalistes», remarque la productrice d’origine juive hongroise. Des protagonistes qui, tout en ayant leurs propres traditions, font face aux mêmes problèmes que le reste du monde.

C’est d’ailleurs dans le cadre du panel «Indigenous Content That Speaks to the World», organisé par Téléfilm et le Fonds des médias du Canada, que la série a été présentée sur la Croisette, au MIPCOM. Aux côtés des représentantes de Mohawk Girls se trouvaient ceux de The Warriors. Une production australienne qui s’intéresse au destin de deux sportifs autochtones devant affronter les préjugés de leurs coéquipiers. Une série qui, bien que plus dramatique dans son traitement, semble mettre de l’avant la même idée : à savoir «parler de sujets propres à sa culture, de manière à s’adresser à l’universel.» Et ne pas nager dans le sombre et le triste.

«Bien sûr qu’il est important de ne pas omettre les questions d’ordre politique, remarque Christina. Mais grâce à l’humour, on peut ajouter beaucoup de couches!»

Et de l’humour, il y en a à la pelle dans cette comédie dramatique drôle, touchante, pétillante, originale qui raconte la vie de quatre jeunes femmes vivant à Kahnawake. Ou «the rez», comme elles l’appellent. Là où la majorité de l’émission a été tournée. Là d’où vient aussi Brittany LeBorgne, qui incarne Zoe. Une avocate perfectionniste, qui veut être un modèle perpétuel pour sa société, pour sa communauté. Qui commence à craquer sous la pression. Et qui, un soir de rencart, a une profonde remise en question lorsque l’homme lui demande ce qu’elle «aime». «Qu’est-ce que j’aime? Je ne sais pas! Qu’est-ce que j’aime?»

Elle commencera peu à peu à pouvoir répondre à la question en découvrant le BDSM. «Beaucoup de gens m’ont écrit pour me dire : wow, j’adore ton personnage, personne en télévision ne vit ce que cette femme traverse! Quand le film 50 Shades of Grey est sorti, ça faisait déjà longtemps que nous parlions de ces questions», remarque l’actrice qui, à l’image de son personnage, a grandi à Kahnawake. Comme Heather White, qui incarne sa désopilante copine. Et comme la conceptrice, réalisatrice et coscénariste de l’émission, Tracy Deer.

«En fait, ce sont mes cousines éloignées. Ce n’est pas juste un gag dans l’émission: 
dans mon coin, nous avons presque tous un lien de parenté!» – Brittany LeBorgne

Ce qui la fait rigoler aussi : se faire régulièrement complimenter à l’épicerie par tous ces spectateurs qui disent adorer Mohawk Girls. «Et ce, autant des spectateurs autochtones que non-autochtones. Parmi lesquels, il y a beaucoup d’hommes aussi!»

«Ça, c’est parce que vous êtes toutes si sexy», lance à la blague Christina.
L’actrice sourit. Puis remarque: «Voir ma communauté représentée ainsi me rend extrêmement fière. Cette émission aide à changer les stéréotypes, à briser l’image qu’ont les autochtones à l’écran. Parce que, dans cette série, nous ne jouons pas les faire-valoir. Nous sommes les personnages principaux. Nous sommes au cœur de l’histoire.»

Commencer en beauté

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis que Brittany LeBorgne a obtenu un rôle dans Frozen River, de Courtney Hunt. C’était son tout premier – à l’exception des multiples rôles qu’elle a joués dans sa troupe de théâtre depuis l’enfance.

«God! Ça fait si longtemps!» s’exclame-t-elle quand on lui mentionne cette expérience, qui la laissa avec «deux secondes et une réplique à l’écran». Mais aussi, surtout, un incroyable bagage de connaissances.
C’était en 2008. Le tournage avait lieu à Kahnawake. Brittany avait complété un certificat en maquillage, travaillant dans des bals de finissants, des mariages.

Puis, elle a obtenu ce rôle de caissière – et de collègue de travail de Melissa Leo. Qui a, par ailleurs, été nommée aux Oscars pour cette prestation. «Voir une actrice d’une telle trempe travailler…! J’étais soufflée!» se souvient la jeune femme. Mais c’est tout particulièrement de s’être retrouvée sur le même plateau que Misty Upham, renommée actrice des Premières Nations décédée en 2014 à l’âge de 32 ans, qui l’a émue. «C’était un tel plaisir de l’observer jouer!»

Car, finalement, Brittany a passé trois des quatre semaines du tournage sur place. À titre de stagiaire auprès de la chef maquilleuse. «Quand ils ont su que c’était ma spécialité, ils m’ont proposé de rester jusqu’à la fin. J’ai tant appris, non seulement sur le maquillage pour le grand écran, mais aussi sur tous les rouages du cinéma.»

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