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Feux de forêt: c’est le temps d’être «écolucide»

Laure Waridel, écosociologue ainsi que cofondatrice d'Équiterre et de Mères au front. Nicolas Monet/Métro. Photo: Nicolas Monet/Métro

Le smog a enveloppé Montréal cette semaine en raison des feux de forêt qui font rage au nord de la province. Depuis le début du printemps, la ville a subi coup sur coup une tempête de verglas et des inondations. Alors que les perturbations climatiques se font ressentir comme rarement auparavant, Métro s’est entretenu avec l’écosociologue et militante Laure Waridel, qui a cofondé Équiterre et Mères au front. Discussion sur notre attitude face aux changements climatiques et sur les solutions possibles — avec la volonté nécessaire.

Quels impacts sociaux ou psychologiques peuvent avoir les derniers jours passés sous le smog causé par les incendies?

Quand on expérimente concrètement une crise liée à l’environnement, il y a une prise de conscience. Ça crée de l’écoanxiété, mais pour moi c’est plutôt de «l’écolucidité». Ce sentiment désagréable, c’est comme notre système nerveux, il est là pour nous informer qu’on doit agir pour éviter un danger bien réel et documenté.

Si tu es sur une voie ferrée avec ton bébé dans une poussette puis que tu t’énerves parce qu’un train arrive à toute vitesse, est-ce qu’on va dire que c’est de l’anxiété? C’est simplement de la lucidité.

Il ne faut pas mettre ces émotions-là sous le tapis, parce que ça va simplement reporter le problème. Le déni, c’est un moyen de se réfugier, mais ce n’est pas mobilisateur. C’est quelque chose qui m’inquiète énormément comme écosociologue. Plus on attend, plus les mesures vont devoir être drastiques et plus on va subir les conséquences de décisions qu’on n’a pas eu le courage de prendre. Parlez-en à ceux qui doivent quitter leur maison en raison des feux de forêt.

On fait face à une menace collective. C’est ensemble qu’on va faire face à la crise climatique, c’est ensemble qu’on va trouver des solutions, c’est ensemble qu’on va accélérer une transition juste et écologique.

Parlant de transition, l’expression «adaptation climatique» est sur toutes les lèvres ces temps-ci. Que veut-elle-dire concrètement, à l’échelle montréalaise?

Beaucoup de stratégies d’adaptation aux changements climatiques permettent aussi de réduire notre empreinte écologique.

Pour prévenir les inondations, on doit avoir plus d’espaces verts qui vont absorber les surplus d’eau, notamment sur les berges. Végétaliser nous aide aussi dans les périodes de canicule pour réduire les îlots de chaleur. Montréal est un bel exemple depuis quelques années. Lorsque la Ville refait une route ou une canalisation d’eau, elle va s’assurer de verdir davantage et d’utiliser des matériaux plus résilients.

La question du transport en commun est importante aussi. Dans les périodes d’extrêmes climatiques, le smog augmente. Il faut donc réduire le nombre de voitures pour améliorer la qualité de l’air. Ça fait partie de l’adaptation aux changements climatiques, mais ça réduit également les émissions de gaz à effet de serre (GES).

C’est aberrant de voir à quel point bon nombre de ces choix politiques amènent une meilleure qualité de vie et une meilleure santé. Ce qui est bénéfique pour la santé l’est également pour l’économie, puisque les gens sont plus productifs et qu’on réduit les coûts en soins. Si l’on avait le moindrement une vision à plus long terme, ça deviendrait des choix totalement logiques.

Nous nous rencontrons en marge du congrès Prolab de la Chambre de la sécurité financière, où vous donniez une conférence devant une foule d’acteurs du milieu financier. Quels rôles doivent jouer ces acteurs face à la crise climatique?

Après la règlementation, qui est entre les mains de nos élus, ce sont les investissements qui changent le plus le portrait de notre société. C’est le point de départ ou d’arrêt de n’importe quel projet économique.

Ce qu’il est impératif de faire le plus rapidement possible, c’est sortir du secteur des énergies fossiles, le plus grand émetteur de gaz à effet de serre. Le financement de nouvelles infrastructures pour l’extraction d’énergies fossiles va devoir être rentabilisé pendant des décennies.

La sénatrice indépendante Rosa Galvez a déposé le projet de loi [S-243] pour obliger le secteur financier à aligner ses investissements sur les engagements climatiques du Canada. Tous les acteurs économiques et politiques devraient passer au crible les impacts de leurs décisions sur l’environnement.

On analyse toujours le bottom line économique. Comment ça se fait qu’on n’ait pas cette même rigueur-là pour se demander combien ça va coûter à l’environnement? Si l’on tient compte du coût environnemental et social de ce qu’on produit et de ce qu’on gaspille, on serait davantage encouragé à faire des choix écologiques pour économiser.

Une étude de l’Institut climatique du Canada démontre clairement que chaque dollar investi maintenant pour l’adaptation au changement climatique va permettre d’économiser entre 13 et 15 dollars dans les prochaines décennies. C’est extrêmement payant comme rendement.

Les extrêmes climatiques semblent se multiplier. Est-il trop tard pour inverser la tendance?

Il y a des impacts qu’on ne va pas être capable d’éviter même si on arrêtait complètement tout de suite à cause de la durée de vie des GES dans l’atmosphère. C’est clair qu’on s’en va vers plus d’extrêmes climatiques, peu importe ce qu’on fait.

Cela dit, chaque fraction de degré a un impact sur l’ampleur des défis auxquels on fait face, disent les climatologues. On doit à la fois réduire les émissions de carbone et nous adapter.

*Les questions et les réponses ont été éditées à des fins de concision.

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