Coronavirus: le déconfinement reste un casse-tête planétaire
Les quatre pays européens les plus touchés par la pandémie de coronavirus affichaient dimanche des bilans quotidiens de morts en nette baisse, au moment où l’Europe commence prudemment à procéder au déconfinement face à une épidémie qui a déjà tué plus de 200 000 personnes dans le monde.
Après six semaines cloîtrés chez eux, les petits Espagnols ont ainsi pu dimanche recommencer à jouer dans la rue. Des jours et des jours qu’ils attendaient ça ! «Les enfants se sont levés tôt en demandant quand nous allions descendre dans la rue», a confié Miguel Lopez, père de deux enfants de six ans et trois ans à Madrid.
«On a joué à cache-cache, on a fait la course. On a trouvé une coccinelle qui s’était perdue, et on l’a mise au milieu des fourmis», a expliqué ravi Ricardo, l’aîné.
Mais les restrictions restent nombreuses: les enfants n’ont pas le droit de jouer avec des voisins, ni de s’éloigner de plus d’un kilomètre de leur domicile, ou de sortir sans adulte. La durée est limitée à une heure et les parcs restent fermés.
L’Espagne, troisième pays le plus touché au monde par la pandémie partie de Chine fin 2019, avec 23 190 décès, avait dû adopter l’un des régimes de confinement les plus stricts au monde.
Résultat, le pays a enregistré dimanche son bilan le plus bas depuis le 20 mars avec 288 morts en 24 heures. Une tendance observée le même jour dans d’autres pays européens comme en Italie, deuxième pays le plus touché au monde, où 260 personnes ont succombé, soit le total le plus faible depuis le 14 mars.
Même constat en France avec un chiffre en baisse (242 morts en 24h) ou encore au Royaume-Uni, avec 413 morts à l’hôpital, chiffre le plus bas depuis la fin mars, bien qu’il ne prenne pas en compte les maisons de retraite où plusieurs milliers de personnes âgées sont mortes, selon des représentants du secteur.
Le dernier bilan britannique présente des «signes encourageants», a jugé le ministre de l’Environnement George Eustice.
À Londres, le premier ministre Boris Johnson, lui-même frappé par le virus, doit effectuer lundi un retour aux affaires très attendu, les Britanniques voulant connaître ses projets pour remettre l’économie en marche et sortir du confinement.
La Suisse se prépare quant à elle à rouvrir partiellement certains de ses commerces lundi.
Sous réserve de respecter les mesures-barrières, ce sont d’abord les coiffeurs, physiothérapeutes, médecins, salons de massage, fleuristes, jardineries, ainsi que les crèches qui rouvriront leurs portes.
«C’est super (…), on va essayer de réattaquer gentiment», confie Florian, gérant du «Barbier de Lausanne» à Genève. Le salon sera nettoyé «à grand coups de bombes désinfectantes», «il y aura deux mètres de distance entre les coiffeurs, on va porter le masque et on attend aussi des visières. Et puis bien sûr, on n’aura pas la salle d’attente, donc on ira chercher les gens dans la rue».
Le déconfinement, un casse-tête planétaire
Le déconfinement reste un casse-tête planétaire, dans l’attente de la découverte d’un vaccin ou d’un remède qui seuls, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pourront permettre de juguler la pandémie.
En Espagne, le confinement a été prolongé jusqu’au 9 mai inclus. Le gouvernement présentera mardi un plan d’assouplissement envisagé à partir de la mi-mai.
Le même jour, le premier ministre français Edouard Philippe dévoilera sa «stratégie nationale du plan de déconfinement», qui doit débuter le 11 mai, avec notamment une réouverture controversée des écoles.
L’Italie aussi doit détailler en début de semaine les mesures qu’elle envisage à compter du 4 mai. Les écoles resteront fermées cependant jusqu’en septembre.
Ailleurs, en Afrique, l’État de Lagos, capitale économique du Nigeria, a pour sa part annoncé dimanche imposer le port du masque, une mesure qui entrera également en vigueur à compter du 1er mai en Afrique du Sud, quand les restrictions seront légèrement assouplies.
En vue d’un déconfinement, certains pays mettent en place des programmes de tests sérologiques, comme l’Italie qui va lancer une campagne sur 150 000 personnes.
Mais l’OMS a douché les espoirs de ceux qui misent sur une éventuelle immunité des personnes ayant été confrontées au coronavirus pour faciliter le déconfinement, via la délivrance de «passeports immunitaires».
Sans exclure qu’une telle immunité puisse exister, l’organisation a rappelé qu’«il n’y a actuellement aucune preuve que les personnes qui se sont remises du COVID-19 et qui ont des anticorps soient prémunies contre une seconde infection».
11 septembre
En tête des pays payant le plus lourd tribut: les États-Unis qui ont décompté plus de 53 000 décès depuis le début de l’épidémie.
À New York, ville la plus touchée au monde avec plus de 15 000 morts, l’important secteur bancaire envisage de prolonger indéfiniment le télétravail.
Dans la capitale économique américaine, la vue de camions réfrigérés utilisés comme morgues temporaires a rappelé de terribles souvenirs à Maggie Dubris. «Je me suis souvenue de la morgue dressée au World Trade Center» après les attentats du 11-Septembre 2001.
Cadavres dans les toilettes
Dans la ville portuaire équatorienne de Guayaquil, la plus touchée d’Amérique latine, c’est une autre vision d’horreur qui hante les nuits d’un soignant: à l’hôpital où il travaille, «ouvrir la porte des toilettes avec tous les cadavres» entassés là faute de place ailleurs.
Dans ce contexte, les dirigeants mondiaux peinent toujours à trouver une réponse collective à la pire crise sanitaire et économique depuis la Seconde guerre mondiale.
«Une réalité de la vie»
Vendredi, le monde musulman a entamé le mois de jeûne du ramadan sans prières collectives ni repas partagés: les portes des mosquées restent closes et les rassemblements familiaux sont interdits.
Mais la crainte demeure que des violations ne favorisent un nouvel essor de la pandémie, notamment au Pakistan, où des fidèles se sont rués dans les mosquées malgré les recommandations sanitaires.
L’Arabie saoudite a de son côté partiellement assoupli dimanche son couvre-feu total. À l’exception notamment de la ville sainte de La Mecque.
Dans un monde confronté à la récession, certaines entreprises tirent leur épingle du jeu.
Comme les géants des technologies Amazon, Google ou Facebook, dont le trafic est comparable à celui d’un Nouvel an.
Au Bangladesh, c’est cependant en violation des règles de confinement que des centaines d’ateliers textiles ont rouvert, de peur de perdre des parts de marché. «Nous devons accepter le coronavirus comme une réalité de la vie», explique Mohammad Hatem, un responsable de la branche.
La mise en retrait de l’humanité continue de faire les joies de la faune: à Istanbul, des dauphins s’ébattent dans le Bosphore, d’ordinaire saturé de bateaux.