F-35: le temps de reculer
Il nous est tous arrivé un jour de vouloir quelque chose dont nous n’avions pas vraiment besoin. Chaque fois, le même processus a eu lieu. On se dit que ce n’est pas très raisonnable, puis on jongle, on trouve des arguments qu’on met à l’épreuve en les soumettant à entourage pour finalement se justifier. La voiture trop grosse pour nos besoins servira à déménager des amis; la paire de chaussures de sport techno fera qu’on s’entraînera davantage, etc. Bref, ce qui était un caprice devient une nécessité. Et que personne ne vienne nous dire le contraire!
Cette semaine, le vérificateur général du Canada a démontré hors de tout doute que le ministère de la Défense en est venu à se créer sa propre réalité, jusqu’à omettre des informations essentielles, afin de convaincre la population et les élus du bien-fondé de l’acquisition de 65 avions F-35. Pour certains, le Canada n’a tout simplement pas besoin d’avions de chasse. On peut quand même dire qu’il n’est pas superflu de penser à renouveler la flotte d’avions puisque les F-18 arriveront bientôt à la fin de leur vie utile.
Le gouvernement a vite réagi aux critiques du vérificateur. Pour redonner sa légitimité au processus, il a rapidement gelé les fonds et créé le «Secrétariat du F-35» au sein du ministère des Travaux publics, une entité calquée sur celle attribuant les mégacontrats dans les chantiers navals. En le nommant ainsi, le gouvernement Harper prouve une fois de plus qu’il n’a pas l’intention de tourner le dos au projet. Sinon, le groupe chargé de faire l’analyse ne porterait pas le nom de l’appareil, mais un nom comme Bureau de renouvellement des équipements…
Pourtant, tant au niveau de l’évaluation budgétaire du projet que de la performance technologique des appareils, le projet des F-35 nous laisse dans les nuages. Les pays membres du consortium formé par les États-Unis ont soit réduit leur commande ou questionné leur participation au projet.
Comment expliquer alors que le gouvernement s’entête à vouloir acquérir un avion dont la fiabilité technique n’est pas établie? Bien au-delà d’un enjeu touchant son acquisition, le dossier est devenu politique depuis longtemps. Après avoir défendu ce choix sur toutes les tribunes depuis des mois, le gouvernement s’entête-t-il afin d’éviter de perdre la face? Il est vrai que les partis d’opposition le talonnent depuis qu’il est question d’acheter ces avions.
Pourtant, deux arguments permettraient au gouvernement de changer sa position. D’abord, le rapport du vérificateur général offrait une excuse inespérée pour faire marche arrière. Le gouvernement pourrait dire qu’il se conforme tout simplement au rapport. Deuxièmement, le Canada pourrait justifier l’abandon des F-35 en citant les réductions de commandes de nos alliés. Après tout, l’un des principaux arguments en faveur des F-35 était la compatibilité de l’équipement canadien avec le leur.
Peu de gens contestent la pertinence de renouveler la flotte de F-18 canadiens. Il est maintenant temps de penser au plan B et de se demander de quoi nous avons vraiment besoin.