Le confinement s’estompe, mais pas la colère des républicains

Shelley Luther s'adresse à la foule. Photo: Vernon Bryant /The Dallas Morning News via AP
Paul J. Weber - The Associated Press

AUSTIN, Texas — Quand la pandémie de coronavirus a matraqué l’économie américaine au printemps, Shelley Luther, la propriétaire d’un salon de coiffure de Dallas est devenue une vedette instantanée quand elle a passé deux nuits en prison pour avoir refusé de fermer ses portes.

Un fonds mis sur pied par des militants conservateurs a ramassé près de 500 000 $ US. Le sénateur républicain Ted Cruz s’est fait un point d’honneur d’aller se faire coiffer au salon de Mme Luther. Elle s’est rendue au Michigan pour rejoindre des manifestants anticonfinement et s’est lancée dans la course au sénat du Texas, martelant le gouverneur républicain Greg Abbott au sujet des restrictions imposées pour combattre le virus.

Sa campagne dans un district profondément rouge et rural met à l’épreuve ce sur quoi misent d’autres candidats républicains pour se propulser vers la victoire à l’échelle nationale, à environ cinq semaines du vote — le ressentiment persistant des électeurs face au confinement, à un moment où même la réélection du président Donald Trump semble dépendre de sa capacité à convaincre l’électorat que le pire est passé.

«Je me suis tenue debout pour vous, je suis allée en prison et je le ferai encore et encore», a lancé cette semaine Mme Luther à un petit groupe d’électeurs, lors d’un événement diffusé en direct sur sa page Facebook. Évoquant M. Abbott, elle a dit: «Je vais dormir sur le perron de cet homme-là, attirer l’attention des médias jusqu’à ce qu’il ouvre le Texas».

Alors que le bilan de la pandémie surpasse les 200 000 morts aux États-Unis, M. Trump souhaite que sa campagne contre Joe Biden porte sur ce siège vacant à la Cour suprême et sur son message de la loi et de l’ordre, dans la foulée des manifestations qui ont éclaté contre l’injustice raciale.

Mais certains candidats républicains, comme Mme Luther, veulent que l’électorat se souvienne des mois de commerces fermés, au moment où l’économie du pays reprend lentement vie et que le taux de chômage atteint 8,4 %.

Au Minnesota, le candidat républicain au Sénat Jason Lewis a fait de la colère envers le confinement la pierre d’assise de sa campagne face à la sénatrice sortante Tina Smith, dans l’espoir de mobiliser l’électorat des régions rurales dont les petites entreprises ont été frappées de plein fouet par les mesures.

En Caroline du Nord, le lieutenant-gouverneur républicain Dan Forest tente de détrôner le gouverneur démocrate Roy Cooper en rappelant les restrictions imposées pour combattre la COVID-19. Il a expliqué vouloir remplacer «la culture de la peur actuelle par des objectifs clairs et un chemin vers l’avant».

Une majorité d’Américains  — 69 % — disent toujours craindre d’être eux-mêmes infectés par le virus ou que leurs proches le soient, selon un sondage Associated Press-NORC Center for Public Affairs Research. Quatre-vingt-trois pour cent des démocrates s’inquiètent au moins quelque peu du virus, contre 55 % des républicains.

Mais la colère associée au confinement pourrait ne pas suffire à porter les républicains au pouvoir.

Quand des manifestations contre le confinement ont éclaté dans l’Ohio en avril, le quotidien Columbus Dispatch a publié une photo de la candidate au Sénat Melissa Ackinson criant à travers les portes vitrées de l’assemblée législative. La photo a fait le tour du pays, mais Mme Ackinson a été écrasée lors de l’élection primaire.

Au Texas, où plusieurs démocrates sont plus que jamais dans la course dans des bastions républicains, les candidats sortants choisissent souvent de se concentrer sur la relance de l’économie, plutôt que sur le confinement.

«Avec chaque journée qui passe, la vie des gens revient un peu plus à la normale. Je pense que les électeurs étaient en colère en juillet, mais je ne pense pas que ça soit comparable aujourd’hui à ce que c’était à l’époque», a dit le consultant républicain texan Matt Mackowiak.

Mme Luther, qui n’a pas répondu à une demande d’entrevue, compte parmi les cinq candidats qui participeront mardi à une élection spéciale afin de pourvoir le poste d’un législateur républicain qui tente d’être élu au Congrès. Sa campagne a reçu un million de dollars du milliardaire Tim Dunn, dont le groupe conservateur Empower Texans est un important acteur politique au Texas et un des principaux détracteurs du gouverneur Abbott.

Au Minnesota, M. Smith a décrié cette semaine les restrictions associées au coronavirus devant quelques dizaines de partisans à Stillwater, une région où M. Trump et lui devront bien faire s’ils veulent pouvoir espérer l’emporter.

M. Trump a étroitement perdu le Minnesota en 2016, et M. Lewis, un partisan ardent du président, a placé son opposition aux restrictions et aux masques en plein coeur de sa campagne. Il a poursuivi le gouverneur démocrate Tim Walz, en faisant valoir que les restrictions imposées aux rassemblements interfèrent avec sa campagne.

«Le confinement a tout changé, a dit M. Lewis. Le virus a tout changé. Et la colère associée à ces mesures draconiennes de confinement au Minnesota a tout changé.»

Paul J. Weber, The Associated Press

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