Des candidats républicains en danger prennent leurs distances de Donald Trump

La sénatrice américaine Lindsey Graham affronte le challenger démocrate Jaime Harrison lors du débat au Sénat de Caroline du Sud Photo: Joshua Boucher/The State via AP

WASHINGTON — Des républicains craignant de ne pas être réélus au Sénat prennent de plus en plus de mesures prudentes mais claires pour se distancier du président Donald Trump, signe d’une nouvelle vague d’inquiétude au sein du Parti républicain à l’approche du 3 novembre.

En Arizona, au Texas, au Kansas et au Maine, les sénateurs républicains, qui ont longtemps craint le pouvoir du président de riposter à ses détracteurs, commencent à rompre avec lui, en particulier en ce qui concerne sa gestion de la pandémie. Les stratèges républicains estiment que cette distanciation reflète une érosion surprenante du soutien envers M. Trump au cours des dix derniers jours, marqués par sa performance discutable au débat, son hospitalisation après avoir contracté la COVID-19 et ses tentatives continues de minimiser la gravité du virus.

Pendant des années, les élus républicains ont hésité à critiquer le président — et se sont donné beaucoup de mal pour esquiver les questions à son sujet — de peur de mettre en colère les partisans de M. Trump dont ils ont besoin pour gagner. Mais maintenant que leur majorité au Sénat est en jeu, les élus républicains semblent prêts à faire le nécessaire pour sauver leurs sièges.

«La carte du Sénat semble extrêmement sombre», a analysé un important donateur républicain, Dan Eberhart.

Les chances des républicains de maintenir leur majorité de 53 contre 47 au Sénat s’amenuisent depuis des mois. Mais les récents bouleversements à la Maison-Blanche ont accéléré la tendance, selon des conversations avec une demi-douzaine de stratèges et de conseillers de campagne républicains, dont certains se sont exprimés sous le couvert de l’anonymat parce qu’ils n’étaient pas autorisés à divulguer les détails des délibérations internes.

L’attitude de Trump face à la pandémie

Les stratèges ont noté que la décision de précipiter la nomination d’une nouvelle juge à la Cour suprême n’a pas fait basculer les électeurs du côté républicain comme espéré. Plusieurs sondages internes suggèrent que les électeurs indécis et de tendance républicaine ont été particulièrement découragés par la piètre performance du président au débat et par sa conduite depuis qu’il a appris qu’il était atteint du coronavirus. Rien ne dit que ces électeurs voteront pour le démocrate Joe Biden, mais ils pourraient décider de ne pas aller voter, dans ce qu’un stratège a décrit comme un sentiment de fatigue envers M. Trump.

Un sondage public place Donald Trump derrière Joe Biden dans les intentions de vote au niveau national, mais leur écart est généralement moins prononcé dans les principaux États pivots.

«Je pense que beaucoup de républicains craignent que (…) les gens qui sont restés assis sur la clôture à la recherche d’une justification pour rester avec le président abandonnent plutôt le navire», a affirmé Rory Cooper, stratège républicain et fréquent critique de M. Trump.

Une chose est sûre, M. Trump a déjà su faire preuve de résilience politique. Il y a quatre ans jour pour jour, on apprenait l’existence d’un enregistrement d’«Access Hollywood», dans lequel celui qui était alors candidat républicain se vantait d’avoir agressé sexuellement des femmes. Les républicains lui avaient rapidement tourné le dos et ses scores dans les sondages avaient chuté, mais il a quand même remporté la présidence quelques semaines plus tard.

Le comportement de M. Trump cette semaine n’a pas suscité le même genre de reproche des leaders républicains. Lundi, alors qu’il revenait d’un séjour à l’hôpital, le président, toujours contagieux, s’est arrêté pour une séance photo à la Maison-Blanche, a retiré son masque et a écrit plus tard sur Twitter que les gens ne devraient pas craindre le virus, qui a pourtant tué plus de 210 000 Américains.

«Je ne pouvais pas m’empêcher de penser que cela envoyait le mauvais signal», a affirmé la sénatrice républicaine du Maine Susan Collins, dont la défaite, qui semble probable, pourrait coûter aux républicains le contrôle du Sénat. «Je ne pensais pas du tout que cela donnait un bon exemple.»

Mme Collins a commencé à diffuser une publicité cette semaine qui exhorte les électeurs à voter pour elle «peu importe pour qui vous votez comme président».

En Arizona, une autre républicaine en danger, la sénatrice Martha McSally, a eu du mal à répondre lorsqu’on lui a demandé si elle avait été fière de servir sous le président Trump au cours de sa carrière dans l’armée de l’air.

«Je suis fière de me battre pour les Arizonais sur des choses comme la réduction de vos impôts», a répondu Mme McSally lors d’un débat contre l’ancien astronaute Mark Kelly.

Des États jugés sûrs pourraient vaciller

Les démocrates considèrent depuis longtemps le Maine et l’Arizona, ainsi que le Colorado et la Caroline du Nord, comme des cibles de choix dans leurs efforts pour obtenir les quatre sièges dont ils ont besoin pour prendre le contrôle du Sénat (il leur en faudra seulement trois si le duo Biden-Harris remporte la Maison-Blanche). Mais la course à la majorité au Sénat s’est étendue à des États considérés comme fiables par les républicains, dont l’Iowa, l’Alaska, le Kansas et le Montana. En Caroline du Nord, pendant ce temps, le récent scandale de «sextage» du démocrate Cal Cunningham a compliqué sa campagne contre le républicain sortant Thom Tillis.

Même le sénateur de Caroline du Sud Lindsey Graham, un proche allié de Donald Trump, semble soudainement en difficulté.

M. Trump a remporté cet État par 14 points de pourcentage en 2016. Pourtant, un important comité politique républicain aligné avec le chef de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, a commencé à dépenser près de 10 millions de dollars en publicités télévisées et radiophoniques cette semaine pour attaquer l’adversaire démocrate de M. Graham, Jaime Harrison.

Les donateurs républicains n’ont pas perdu espoir de garder le contrôle du Sénat. Alors que la collecte de fonds de M. Trump a plafonné ces derniers mois, elle a augmenté pour les groupes républicains externes qui soutiennent les candidats à la Chambre des représentants et au Sénat.

L’afflux massif de nouveaux fonds pour ces comités d’action politique leur permettra d’inonder les États fragiles de publicités qui embrassent des thèmes républicains conventionnels. L’intention est de lancer une bouée de sauvetage aux candidats qui, autrement, se seraient appuyés sur la campagne menée par le président, selon deux stratèges républicains ayant une connaissance directe des plans de campagne pour la Chambre et le Sénat.

Pourtant, il ne fait aucun doute que le sort des sénateurs républicains est lié au président et à ses instincts politiques instables. Dans un environnement politique très polarisé, le partage des votes — voter pour un parti à la présidence et un autre pour le Sénat, par exemple — est devenu de plus en plus rare. En 2016, les candidats républicains au Sénat ont perdu dans tous les États que M. Trump a perdus et ont gagné là où M. Trump a gagné.

Un conseiller républicain a déclaré que la plupart des candidats républicains ne devançaient pas M. Trump dans les sondages dans leur État. Lorsque le soutien envers le président diminue, le leur suit généralement la même tendance.

Même dans les États rouges, les républicains commencent à dire clairement qu’ils n’appuient pas M. Trump en ce qui concerne la pandémie.

Le sénateur John Cornyn a ainsi déclaré lundi au «Houston Chronicle» que le président «baissait la garde» et a estimé que sa propre contamination devrait être un appel à «faire preuve d’autodiscipline».

Dans un autre bastion républicain, l’aspirant sénateur Roger Marshall a emprunté mardi le slogan de M. Trump pour sa tournée en autocar, «Keep Kansas Great», mais pas ses conseils en matière de santé.

«Bien sûr, je pense que tout le monde devrait respecter le virus», a lancé M. Marshall, un médecin. «J’encourage vraiment tout le monde à porter un masque quand il le peut, à garder ses distances physiques, à se laver les mains, toutes les choses de ce genre.»

M. Marshall s’est rapidement fait rappeler l’existence de tendances contraires au sein de son parti. Alors qu’il parlait, il a été brièvement interrompu par une femme qui semblait opposée au port du masque et qui a crié: «Arrêtez de dire ça aux gens!»

Laurie Kellman et Alan Fram, The Associated Press




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