Combattre l’homophobie et la transphobie, une école à la fois

Il est 13h. Dans une école secondaire montréalaise, la cloche retentit dans les couloirs pour notifier le retour en classe. Une trentaine d’étudiants de secondaire quatre envahissent la classe d’éthique. Aujourd’hui ce ne sera pas leur enseignante habituelle qui leur fera cours, mais trois animateur·trices de l’organisme Ensemble pour le respect de la diversité, venus les sensibiliser aux réalités LGBTQ2+ alors que l’homophobie et la transphobie semble s’être aggraver en milieu scolaire.

«Pas encore la sexualité !», lance un élève au fond de la classe. «Je suis homo», rétorque un autre jeune d’un air provocateur tout en ricanant. Ce genre de remarques, Lucie*, Jules* et Frédérique* y sont habitué.es. Iels animent chaque semaine une quinzaine d’ateliers dans les écoles à travers le Canada et surtout au Québec.

Iels y abordent le racisme, le sexisme, mais aujourd’hui, c’est bien pour répondre aux interrogations et démystifier qui sont les membres des communautés LGBTQ2+ qu’iels sont là.

«On est ici pour vous rendre gai ou trans», lance Jules d’un ton ironique, ce qui provoque immédiatement la stupéfaction des jeunes, permettant ainsi de casser l’ambiance froide qui s’était progressivement installée dans la salle de classe à la vue du diaporama intitulé «LGBTQ+ 101».

Au programme, identité sexuelle, histoire des droits LGBTQ2+ au Canada, systèmes de discrimination, mais aussi les attitudes anti-oppressives. Au cours des 1h15 d’atelier, les trois animateur·trices définissent les différentes lettres du sigle LGBTQ2+, démystifient ce qu’est une personne asexuelle, une personne bispirituelle ou encore comment adopter une approche respectueuse face à une personne dont on ne connait ni l’identité ni l’expression de genre.

Une personne bispirituelle est une personne qui s’identifie comme ayant un esprit masculin et un esprit féminin soit deux genres en même temps. Ce terme est principalement utilisé par les personnes autochtones et certaines d’entre elles peuvent s’identifier comme ayant plus de deux genres.

Une personne asexuelle est une personne qui ne ressent pas ou peu d’attirance sexuelle pour une autre personne.

Au cours de l’atelier, Frédérique et Jules posent régulièrement des questions aux jeunes à savoir s’ils savent ce que veut dire l’expression «sortir du placard» ou encore ce qu’est une personne «intersexe». À chaque fois, seulement quelques mains discrètes se lèvent pour répondre.

Quand vient le moment d’aborder les systèmes discriminatoires, les animateur·trices présentent différentes expressions à caractère discriminatoire tel que «c’est tellement gai», «c’est très hot deux femmes ensemble» suscitant des fous rires dans la salle de classe. Mais au moment de demander qui a déjà entendu de telles expressions, c’est désormais la majorité des mains qui se lèvent, dont celles de ceux qui s’étaient discrètement «endormis» au fond de la classe.

Un jeune va même jusqu’à approuver le fait que «deux femmes ensemble c’est hot» sans se rendre compte que cela correspond à la fétishisation du désir lesbien. Mais les animateur·trices s’y attendaient. C’est donc avec plein de pédagogie qu’iels continuent en expliquant les biais que peut créer une société cis hétéronormative.

Selon une étude réalisée dans le cadre du projet de recherche SAVIE-LGBTQ, 43 % des personnes étudiantes LGBTQ+ au Québec ont rapporté s’être senties malheureuses ou déprimées en raison d’un environnement hostile dans leur établissement scolaire.

«Quel est le niveau d’homophobie dans ton école?»

À la fin de l’atelier, les élèves doivent répondre à un petit questionnaire anonyme pour donner leur avis sur l’atelier et ce qu’il leur a apporté. Parmi les questions figure la suivante: «Selon toi, quel est le niveau d’homophobie dans ton école?».

Une fois la trentaine de questionnaires ramassés, Frédérique, Jules et Lucie ne sont pas surpris de constater que la grande majorité des étudiants ont coché la case «élevée». Sur un des questionnaires, un élève a même rajouté une case «très élevée» pour ensuite la cocher.

Un autre élève à noter au verso de son questionnaire y est allé de la remarque suivante : «Être transsexuel, c’est un énorme manque d’amour à soi-même […] ne pas accepter l’homosexualité ne te rends pas homophobe d’un coup, c’est dans l’homophobie qu’il y a de la violence.»

Pour les animateur·trices, ce type de remarque témoigne bien d’une homophobie et transphobie dont iels sont confronté.es régulièrement. Eux-mêmes membres des communautés LGBTQ2+, iels doivent composer avec l’adversité venant des élèves, et parfois même des enseignants.

«En ce moment, on est vraiment dans une phase de résistance. Il y a quelques années, on était beaucoup dans la progression et ça se ressentait dans les classes, explique Frédérique. Les jeunes sont désengagés, dans la provocation et ils posent des questions pour nous piéger donc j’ai l’impression qu’on est tout le temps en train de se justifier qu’on ne fait pas de la propagande, cette année j’ai trouvé ça vraiment difficile émotionnellement de faire face à ça.»

L’an dernier, Frédérique a dû prendre une semaine de congé, car elle était confrontée à trop de «haine constamment».

«Il y a avait une classe où c’était de la haine et de fausses informations que les jeunes disaient et le professeur est parti et nous a laissé gérer ça seuls, explique-t-elle. Je le vois des fois il y en a qui nous posent des questions piège pour essayer de nous contredire pis ça, c’est évidant que c’est de l’homophobie. Ça me stress même des fois d’aller travailler le lendemain matin.»

Les animateur·trices avouent même avoir souvent de la difficulté à dévoiler leur identité sexuelle et de genre lors des ateliers par appréhension face à des jeunes parfois hostiles aux communautés LGBTQ2+.

Jules raconte que lors d’un atelier, alors qu’iel parlait des personnes bispirituelles, l’enseignante s’est levée pour s’adresser d’un ton étonné à ses élèves en leur disant: «Ah ouais vous saviez qu’il y a plus que deux genres vous ?».

Tous·tes les trois affirment ressentir l’impact des réseaux sociaux dans la perception qu’ont les jeunes à l’égard des communautés LGBTQ2+. Iels s’accrochent aux commentaires positifs de certains élèves et aux regards bienveillants qu’iels peuvent attraper en plein vol pendant les ateliers.

«Des fois, un commentaire positif qu’un élève laisse, ça fait du bien, explique Frédérique. Des fois, on ne réalise pas qu’une chose qu’on a dite a fait la différence pour quelqu’un.»

Fondé en 1996, ENSEMBLE pour le respect de la diversité a pour mission d’agir avec les jeunes afin de promouvoir le respect des différences et d’engager le dialogue. Chaque année, plus de 25 000 jeunes bénéficient des ateliers de l’organisme dans les écoles primaires et secondaires, à travers le Québec et le Canada.

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