Dame Famine s’invite en Afrique de l’est

Famine en Afrique de l'est
Des familles attendent la nourriture dans le camp de déplacés de Badbado à Mogadiscio Photo: Archives Mtéro

On ne la jamais connue, vécue ou ressentie ici. On en entend parler, on a vu des photos, des reportages qui nouent la gorge et des centaines d’illustrations. Et puis, selon notre bagage personnel, on appartient à l’une des trois catégories suivantes.

Les premiers se sentent interpellés, sortent leur carte de crédit et envoient ce qu’ils peuvent pour la combattre.

Les seconds détournent le regard, estimant qu’elle n’est pas à la hauteur des problèmes « d’ici ».

Et il y a la troisième catégorie. Celle des désillusionnés. Sensibles, mais gagnés par une impression de déjà vu, ces derniers se sentent impuissants face à un problème insoluble et à des images redondantes. Le risque est que cette désillusion devienne désensibilisation.

Et oui, Dame Famine est de retour en Afrique. Plus précisément dans l’est, au Soudan du Sud et en Somalie. Deux réalités, une même conséquence pour les milliers de personnes.

Au Soudan du Sud, l’ONU tire la sonnette d’alarme. Plus d’un tiers de la population, soit 3.9 millions d’habitants, risque de souffrir d’insécurité alimentaire, « la pire au monde ». Ils fuient les affrontements entre les partisans du président Salva Kiir Mayardit et ceux de l’ancien vice-président Reik Machar. Les régions les plus affectées sont les États d’Unité, du Nil supérieur et du Jonglei (Nord-est). 50 000 enfants pourraient mourir de malnutrition aiguë selon le Programme alimentaire mondial et l’UNICEF. Outre les combats, la saison des pluies rend de nombreuses routes impraticables pour acheminer l’aide sur place. Le pays souffre aussi d’un déficit de production agricole chronique, les agriculteurs fuyant les combats perdent leurs récoltes.

En Somalie, c’est le gouvernement qui a appelé à l’aide il y a quelques jours pour empêcher une nouvelle famine. La sécheresse touche plusieurs régions et les autorités demandent clairement « de la nourriture, de l’eau et des médicaments». Les organisations humanitaires ne peuvent «faire face aux besoins de plus de 350 000 déplacés à Mogadiscio», la capitale. Là aussi, des centaines de milliers de personnes sont chassées par les rebelles Shebab qui contrôlent de vastes zones rurales au détriment de l’armée gouvernementale. Le pays se relève à peine de 2011, la pire sécheresse qui avait affecté plus de 10 millions de personnes dans la Corne de l’Afrique… et tué environ 260 000 personnes, dont une majorité d’enfants morts de faim.

Face à ça, comment donc éviter la désensibilisation de notre troisième catégorie et faire comprendre que l’Afrique n’est pas liée intrinsèquement à la famine?

En évoquant le concept de résilience. Seule solution pour atteindre une sécurité alimentaire durable. Contrairement à une aide ponctuelle nécessaire mais toujours insuffisante face aux besoins, la résilience s’attaque aux causes structurelles de la famine. Elle est la capacité pour un pays, préparé en amont, de résister, s’adapter et récupérer rapidement à la suite de crises. Il serait donc possible théoriquement de ne plus entendre parler de famine à long terme. Concrètement, on parle ici d’amélioration des mesures d’alerte rapide par les gouvernements, d’accès facilité aux denrées alimentaires et aux marchés pour les ménages les plus pauvres, ou encore de protection des ressources naturelles comme l’eau.

Certaines ONG et agences onusiennes mettent déjà en pratique ce concept de résilience via des projets locaux visant à préserver les moyens de subsistance. À travers par exemple l’aide en nature (semences), de plans aidant les plus vulnérables sur place plutôt que dans des camps de réfugiés, de mise en place de programmes « argent contre travaux », ou encore d’implication de la population dans les travaux d’irrigation.

Ainsi, sachant que le cercle vicieux sécheresse-conflits-famine a peut-être une fin, à quelle catégorie appartenez-vous?

 

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