Don d’organes: les refus augmentent
Le nombre de familles refusant le don d’organes a pratiquement doublé au cours des dernières années, passant de 25 % à plus de 40 %. Une augmentation renversante aux yeux des personnes en attente d’une greffe.
Parmi les raisons avancées pour expliquer ce bond, il y a d’abord et avant tout la question religieuse.
«Plusieurs familles évoquent leurs croyances religieuses pour refuser un don d’organes. Je ne suis pas un expert des religions, mais je ne crois pas qu’il y a de réels obstacles en ce sens. Bien au contraire. Il s’agit davantage d’une méconnaissance du processus de don d’organes», croit Tomy-Richard Leboeuf-McGregor, coordonnateur de l’organisme Vivre avec la fibrose kystique.
Autre motif régulièrement entendu par ce dernier, la crainte des familles que l’on ne tente pas tout pour sauver la vie de leur proche. Que le médecin ne laisse tomber la serviette trop rapidement pour plutôt procéder au prélèvement des organes.
Car malgré la volonté des défunts ayant signé leur autocollant de dons d’organes, s’étant inscrit aux registres des consentements au don d’organes et de tissus de la Régie de l’assurance maladie du Québec ou de la Chambre des notaires du Québec, un proche de la famille peut empêcher que les organes d’une personne décédée soient prélevés. Une règle que M. Leboeuf-McGregor aimerait modifier.
«En 2014, 39 personnes en attente d’une greffe sont décédées, alors que 160 familles ont refusé un don d’organes» -Tomy-Richard Leboeuf-McGregor, coordonnateur de Vivre avec la fibrose kystique
Le jeune homme, qui a lui-même reçu une greffe pulmonaire, a déposé une pétition de 25 000 noms à l’Assemblée nationale, en septembre 2014, pour engager un débat sur la formule de consentement explicite et inverser le processus.
«Nous sommes dans un modèle où la personne doit avoir manifesté sa décision de faire don de ses organes et avoir avisé ses proches. Même quand c’est fait, il arrive que des familles s’opposent au don. C’est inacceptable», indique-t-il.
M. Leboeuf-McGregor aimerait que le Québec adopte plutôt le consentement présumé, comme c’est le cas en Belgique et dans de nombreux pays d’Europe.
Dans cette formule, toute personne est présumée avoir consenti au don d’organes et de tissus à moins que, durant sa vie, elle ait exprimé la volonté contraire.
«Avec le consentement présumé, les règles me semblent plus claires, estime le jeune homme. Il ne faut pas oublier qu’il y a seulement 1 % des personnes décédées à l’hôpital qui peuvent être des donneurs potentiels, ce qui représente environ 300 donneurs annuellement. Chaque don compte.»
Une vérité que confirme Alex Danis, qui a eu droit à une greffe des deux poumons en 2015. Atteint de fibrose kystique depuis la naissance, il célèbrera le premier anniversaire de sa greffe le 8 janvier prochain.
Aujourd’hui, s’il peut mener une vie normale, c’est grâce à la greffe qu’il a reçue. À 27 ans, il rêve d’une carrière, de sécurité financière et de voyage. Il ne manque pas de projets.
Mais surtout, chaque jour qui passe est pour lui une occasion de célébrer le bonheur d’être en vie.
Ce qu’ils en pensent…
Pour le moment, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, n’a pas l’intention de réviser la formule de consentement explicite pour les dons d’organes. Le sujet ne figure pas dans ses travaux à court terme.
Il encourage les gens à signer leur carte d’assurance maladie pour signifier leur désir de faire don de leurs organes à leur décès, d’en aviser leurs proches pour que leur souhait soit respecté et de s’inscrire au registre de la RAMQ pour que leur médecin ait accès à cette information.
Quant à Transplant Québec, l’organisme croit que ce qui avant tout est déterminant dans l’efficacité du don d’organes, c’est l’amélioration de l’organisation des services dans les hôpitaux et du système de don en général. Les pays dits «performants» se sont dotés d’une organisation hospitalière efficace avec des médecins coordonnateurs et des infirmières. L’organisme a d’ailleurs formulé des recommandations en ce sens.