Pomme de discorde entre Apple et le FBI
«Sésame, ouvre-toi!» La célèbre formule de récit Ali Baba et les 40 voleurs ne permet malheureusement pas au FBI d’accéder au contenu du iPhone d’un des deux terroristes décédés dans l’attentat de San Bernardino.
Deux mois après l’attaque qui a fait 14 morts en Californie, les enquêteurs de la police fédérale peinent toujours à déverrouiller le téléphone intelligent de Syed Farook. Ils viennent de frapper à la porte d’Apple en réclamant, avec l’aide d’un tribunal, un logiciel «passe-partout» leur permettant d’accéder enfin au contenu, chiffré, du iPhone 5C du djihadiste.
Cette sommation, rétorque le géant informatique, est en contradiction avec les éléments de la Constitution sur la liberté d’expression et la vie privée.
Entre les deux camps, la guerre de tranchées est totale. Elle risque d’être longue et pourrait finir en Cour suprême, ou au Congrès.
Pour le FBI, il est urgent, au nom de la sécurité nationale, de déverrouiller l’appareil du terroriste. Après tout, San Bernardino est le pire attentat perpétré en sol américain depuis le 11 septembre 2001, martèle-t-il. Son argument se résume à ceci : il faut savoir céder un peu de vie privée pour plus de sécurité. 51 % des Américains sont d’accord. Une attaque terroriste les inquiète davantage qu’une intrusion gouvernementale dans leur vie de tous les jours. Oui, mais…
La «porte dérobée» réclamée par le FBI mettrait en péril la protection des données de centaines de millions d’utilisateurs non seulement aux États-Unis, mais partout dans le monde, rétorque Apple. Bon nombre de pays peu soucieux du respect des droits de l’Homme pourraient ainsi exiger de la compagnie qu’elle leur remette les «clés» pour décrypter les téléphones de leurs dissidents.
Apple se refuse donc à créer en son sein une unité de pirates informatiques au service d’un État, peu importe lequel. Pas question de se retrouver avec une énorme boîte de Pandore entre les mains.
Au-delà du cas très médiatisé du téléphone de Syed Farook, le FBI exige la collaboration d’Apple pour accéder à une dizaine d’iPhone dans différentes enquêtes, dont une de trafic de stupéfiants à New York.
Un gouvernement peut-il forcer une compagnie de télécommunications à transformer ses produits en gadgets d’espionnage?
Il y a bien sûr une stratégie de marketing dans le refus d’Apple d’accéder aux demandes du FBI. Ses clients se sentent protégés et la multinationale défend ainsi son image de marque, même si elle est soupçonnée d’avoir participé, avec d’autres grands de l’informatique, à la surveillance planétaire de la NSA, l’agence nationale de sécurité américaine.
Mais cela est loin et Edward Snowden, qui a révélé l’existence d’une telle surveillance en 2013, a twitté ceci de Moscou la semaine dernière : «Le FBI crée un monde où les citoyens ont besoin d’Apple pour défendre leurs droits, plutôt que l’inverse.»
L’ironie est grande et dans toute cette affaire, le dernier mot revient à Benjamin Franklin, l’un des pères de la Constitution américaine : «Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux.»