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Un «effet Angelina Jolie» sur les tests de dépistage génétique pour le cancer

Jordan Strauss / The Associated Press Photo: Jordan Strauss
Stéphanie Marin, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Un «effet Angelina Jolie» a fait en sorte que la demande pour certains tests de dépistage génétique pour le cancer a explosé aux États-Unis après que l’actrice de renommée internationale eut publiquement révélé sa double mastectomie à la suite d’un tel dépistage.

Voilà l’hypothèse qui a été posée, puis confirmée, par une équipe de chercheurs de l’Université Laval.

À la base se trouvait une recherche américaine de 2017 qui avait fait état d’une augmentation marquée de cette demande pour des tests au cours de la dernière décennie — visant le cancer du sein et des ovaires — et l’expliquait par certains facteurs, comme des tests moins dispendieux.

S’ils jugeaient ces facteurs plausibles, les chercheurs québécois soupçonnaient une autre cause qui pouvait y avoir contribué. Ils se sont dit: mais si cela avait un lien avec la sortie fort médiatisée de l’actrice? Ils ont fait part de leur hypothèse à l’équipe texane qui a analysé à nouveau ses données de 2004 à 2014, et confirmé la piste.

Les observations subséquentes des chercheurs québécois ont été publiées ce mois-ci dans la revue spécialisée The American Journal of Preventive Medicine (AJPM).

L’étude américaine

Voici ce que les chercheurs texans ont trouvé: les tests de dépistage pour les gènes BRCA1 et BRCA2 étaient surtout demandés pour des femmes déjà atteintes du cancer du sein ou des ovaires afin, notamment, de guider les choix de traitements.

Mais à partir de 2013, ces tests sont devenus majoritairement utilisés par des femmes qui n’avaient jamais eu le cancer.

Ce revirement a suscité des interrogations.

Les chercheurs américains ont avancé trois hypothèses pour l’expliquer. Ils soulignaient la vente et le marketing fait directement auprès de la population, la diminution du coût des tests et leur confidentialité accrue.

Mais les chercheurs québécois avaient autre chose en tête: le 14 mai 2013, Angelina Jolie annonçait, dans un texte publié par le New York Times, qu’elle avait subi une double mastectomie en raison des nombreux cas de cancer du sein dans sa famille et parce qu’elle était porteuse d’une mutation dans le gène BRCA1. Celui-ci augmente de façon dramatique son risque de développer un cancer du sein ou des ovaires, écrivait-elle. Elle faisait savoir que ses docteurs avaient estimé son risque de développer le cancer du sein à 87 pour cent et des ovaires à 50 pour cent.

Les gènes BRCA1 et BRCA2 sont associés au cancer du sein et de l’ovaire. Les personnes nées avec des mutations ou défauts sur l’un de ces gènes ont un risque de cancer de l’ovaire 10 fois plus élevé et un risque de cancer du sein de cinq à huit fois plus élevé que les femmes non porteuses.

La lettre ouverte de l’actrice et productrice américaine au quotidien new-yorkais avait fait des vagues, suscité son lot de critiques, mais avait aussi fait réfléchir bon nombre de femmes, aux États-Unis comme ailleurs.

Après la suggestion des Québécois, l’équipe texane s’est penchée de nouveau sur ses données, cette fois-ci en les segmentant par mois plutôt que par année.

Cela a confirmé que la hausse rapide des demandes de tests BRCA est survenue après la sortie médiatique d’Angelina Jolie.

Les observations de l’équipe québécoise

Les membres de l’équipe de l’Université Laval constatent entre autres que pendant que le nombre de tests doublait chez les femmes atteintes de cancer, il triplait chez celles qui en étaient exemptes.

«Une interprétation additionnelle de cette étude pourrait être que l’année 2013, qui coïncide avec l’annonce d’Angelina Jolie, marque le point de départ d’un virage dans le rôle des tests de BRCA avec, pour la première fois, une plus grande proportion de femmes non touchées par un cancer», écrivent-ils.

Au Québec, ces tests sont disponibles en oncogénétique. Les listes d’attente sont longues pour les femmes, qui peuvent toutefois se faire rembourser pour le test si elles remplissent les critères d’admissibilité, précise l’un des membres de l’équipe québécoise, Jacques Simard, directeur adjoint à la recherche fondamentale du Centre de recherche du CHU de Québec.

Il trouve d’ailleurs que l’«effet Angelina Jolie» est une bonne chose.

«Les femmes ont été plus sensibilisées à l’importance de bien connaître leur histoire familiale, de cancer, par exemple», dit-il.

Plus d’information est une bonne chose pour elles, afin de prendre de bonnes décisions pour leur santé.

Il loue une campagne en cours aux États-Unis depuis 2004: «la journée de l’histoire de santé familiale», qui a lieu jeudi, en ce jour de l’Action de grâce américaine. La campagne vise à inciter les familles à en parler, alors qu’elles sont réunies pour célébrer.

M. Simard, aussi titulaire de la Chaire de recherche du Canada en oncogénétique, fait valoir que beaucoup de femmes à risque de développer un cancer sont justement identifiées — sans tests génétiques — à l’aide de leur histoire familiale.

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