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Un an après #MoiAussi, où en sont les universités montréalaises?

Les violences sexuelles en milieu universitaire font l'objet de suivis dans les bureaux d'intervention des différents établissement.
Assurée par la Chaire de recherche sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d’enseignement supérieur, l'enquête visait à établir le portrait global des situations des violences à caractère sexuel en milieu collégial. Photo: Josie Desmarais/Métro

Depuis un an, le mouvement #MeToo (#MoiAussi) a libéré la parole des gens et a ouvert un espace de dénonciations et de discussions sans précédent sur les violences sexuelles. Dans les universités, il est parvenu à mobiliser la population étudiante et à redéfinir ses mentalités. Où en est-on 12 mois après le début du tsunami?

En octobre 2017, l’actrice américaine Alyssa Milano conviait les femmes de toute la planète à faire part de leurs expériences d’agression et de harcèlement sexuel à l’aide du mot-clic #MeToo sur la twittosphère. Elle ne se doutait pas que des milliers d’internautes allaient répondre à l’appel. Et qu’un véritable phénomène mondial de dénonciations de violences et d’inconduites sexuelles allait en naître.

Depuis, les universités québécoises se sont adaptées. Et un projet de loi du ministère de l’Enseignement supérieur est venu imposer des obligations fermes à celles-ci, dont celle d’adopter un code de conduite pour prévenir les inconduites sexuelles. Des événements festifs aux initiations en passant par les relations professeurs-étudiants, c’est toute la communauté universitaire qui doit s’adapter à de nouvelles réalités.

«#MeToo, en plus d’être une grande affirmation du droit de dénoncer, ça a donné des jeunes qui se documentent réellement sur la problématique des violences sexuelles, qui affirment leurs opinions, qui s’indignent», explique la chercheure du Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS) et professeure à l’Université de Montréal (UdeM), Isabelle Daigneault

«Pour cause, les associations étudiantes très mobilisées à travers la province depuis un an, elles sont parmi les plus renseignées sur les solutions envisageables.» -Isabelle Daigneault

L’Enquête Sexualité, Sécurité et Interactions en Milieu Universitaire (ESSIMU) publiée en 2016, à laquelle Mme Daigneault a contribué, démontre d’ailleurs que tous les acteurs du milieu universitaire – «et principalement les étudiants» – doivent être impliqués dans les réformes. «Ce sont eux, et elles surtout, les jeunes femmes, qui en sont le plus souvent des victimes. Elles le vivent, elles le comprennent. Elles doivent être consultées», dit l’experte.

Une UQAM proactive
À l’Université du Québec à Montréal (UQAM), la population étudiante aura été aux premières loges du mouvement #MeToo avant même qu’il éclate. En 2014, des professeurs de l’institution avaient vu leurs portes de bureau placardées d’autocollants qui dénonçaient la culture du viol, laissant parfois même entendre les inconduites de certains.

«Ça a ébranlé la communauté, mais surtout, ça a été l’élément déclencheur pour que des profs comme Manon Bergeron [en sexologie] entament des recherches sur le sujet», dit la porte-parole de l’institution, Jenny Desrochers.

Depuis, l’Université a implanté une série de mesures pour offrir un encadrement à ses étudiantes et étudiants victimes de violences sexuelles. Quelques semaines après le déclenchement de #MeToo, en 2017, l’UQAM s’entendait notamment avec le CALACS Trêve pour Elles, permettant à l’établissement d’offrir «une intervenante spécialisée en la matière sur son campus».

À la fin de l’été, l’institution universitaire recevait aussi une subvention de 500 000$ sur cinq ans de Québec pour fonder une chaire spécialisée sur les violences sexistes et sexuelles en milieu universitaire, qui créé maintenant de l’emploi étudiant sur cette question. «C’est un moment-clé et un des éléments les plus importants de notre démarche depuis quatre ans», admet la porte-parole.

Des manifestations contre la culture du viol s’étaient tenues à Montréal en octobre 2016. Chantal Levesque/Métro

La directrice du Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement de l’UQAM (BIPMH), Maude Rousseau, abonde dans le même sens. «Les milieux étudiants ne sont pas les seuls éléments de la solution, mais ils en sont au premier-plan», souligne-t-elle. Et à l’UQAM, les associations étudiantes sont particulièrement «proactives» à ses dires. «Elles participent à nos formations, à nos activités de sensibilisation et elles veulent s’adapter, avance-t-elle. Elles tiennent à apporter du soutien à leurs membres qui vivent des situations liées aux violences sexuelles.»

Selon Mme Rousseau, depuis un an, l’intérêt pour la cause s’est cristallisé. «Il y a je pense un engagement plus important découlant d’une prise de conscience flagrante et d’une volonté d’agir de la part des associations étudiantes», ajoute-t-elle. Un phénomène qui se voit notamment dans la manière de gérer les activités d’initiations, les comités exécutifs «faisant tout pour aller vers des thématiques accueillantes et inclusives», selon elle.

Cela dit, les incidents associés à des violences sexuelles se produisant dans des activités d’intégration représentent un maigre pourcentage, autour de 15% seulement. «Ça survient majoritairement quand il n’y a pas de témoins, ni d’organisateurs. Et c’est dans ces contextes-là qu’on a peu d’outils pour intervenir et où il y a un besoin d’en développer», observe à ce sujet Isabelle Daigneault.

Encore un manque de ressources?
Après plusieurs investissements pour pallier les manques opérationnels importants, les bureaux de prévention et d’intervention en matière de harcèlement sexuel manquent-ils encore de ressources dans nos universités québécoises? La chercheure Isabelle Daigneault croit que oui.

«Ce qu’on entend dans les réseaux avec lesquels je travaille, c’est qu’il y a une grosse augmentation des plaintes allant de pair avec de nouvelles politiques, de nouvelles discussions», note-t-elle.

«Mon impression, c’est qu’avec ces hausses-là, ils sont débordés et ils manquent encore plus de ressources, car c’était déjà le cas avant [#MeToo], renchérit-elle. Comme la loi exige une réponse rapide des bureaux d’intervention, il faut que les ressources suivent la contrainte.»

Mme Daigneault estime qu’il faudrait notamment investir plus pour offrir une formation universelle sur les violences sexuelles, dès l’entrée sur les bancs universitaires. «Ça prend un cours de base pour tous les étudiants dans les universités et les cégeps sur ce que sont les bonnes pratiques en activités d’accueil, en activités festives. Il y a vraiment un besoin d’uniformisation pour que tout le monde soit formé de la même manière. Et ce sont ces bureaux, les experts», considère-t-elle.

Le constat est relativement le même au bureau de Maude Rousseau, à l’UQAM, où une augmentation du nombre de dossiers, «tous types de plaintes confondue», est observable.

«Le mouvement #MeToo n’a pas seulement entraîné une dénonciation liée aux violences sexuelles, mais il a engendré un un phénomène plus généralisé pour parler de tout ce qui touche le harcèlement, qu’il soit sexuel, psychologique ou verbal», – Maude Rousseau

Elle juge que la situation financière du BIPMH se porte bien, grâce à des investissements gouvernementaux importants, mais elle apporte quelques nuances en fin d’entretien. «Les nouvelles sommes allouées nous ont aidés, mais c’est sûr que pour arriver à bien remplir notre mission, on a besoin d’un financement récurrent», lance-t-elle.

Des incidents
Le 10 octobre dernier, la Fédération des associations étudiantes de l’Université de Montréal (FAÉCUM) dénonçait un processus de plaintes inéquitable contre les enseignants sur le campus. Lorsqu’un étudiant porte plainte contre un membre du corps professoral, la personne mise en cause est jugée par un comité de discipline uniquement composé d’enseignants, avait-t-on allégué. «Des chums qui jugent des chums», a déploré l’organisation étudiante.

«On ne peut qu’être d’accord avec leur demande, indique-t-elle. Ils ont tout à fait raison de vouloir un procédé plus équitable», avait notamment affirmé la porte-parole de l’institution d’enseignement, Geneviève O’Meara.

De plus, en mai dernier, des centaines d’étudiants se sont rassemblés sur le campus de l’Université McGill pour critiquer les écarts de l’institution et ceux de l’Université Concordia dans leur manière de gérer les plaintes concernant des violences sexuelles.

L’Université McGill avait rappelé à ce moment que, l’an dernier, sa direction a fait beaucoup pour «améliorer les réactions» aux situations liées aux violences sexuelles, par l’entremise du Comité de mise en œuvre de la Politique contre la violence sexuelle et le Groupe d’étude sur la violence sexuelle sur les campus. Un rapport doit d’ailleurs être publié cet automne sur le sujet.

L’Université Concordia, de son côté, a accepté au début du mois de janvier dernier qu’une enquête soit ouverte à propos de plaintes d’inconduites sexuelles visant certains de ses professeurs. L’institution veut simultanément réaliser un examen complet du climat actuel en matière de violences sexuelles dans tous ses secteurs d’enseignement.

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