Un si petit béret
Ivresse automnale et bise au cou! Vous l’ai-je déjà murmuré? J’ai l’achat fertile. Par soirs d’hiver ou de tombola, il m’arrive, trop souvent, de faire un triple-salto-de-biais dans de compulsives épousailles avec du matériel dont je n’ai absolument pas besoin (j’ai récemment retrouvé un serre-tête orné d’une figurine de daim audacieusement caché au fond de ma bibliothèque, histoire de me lover dans le plus confortable des dénis).
Si vous vous êtes un jour, comme moi, trempé le pinceau dans l’achat en ligne (que je vous souhaite plus judicieux que les miens), vous aurez peut-être constaté la grande vérité suivante : les très, très petits objets semblent avoir des exigences de transport bien particulières. Ils ne voyagent qu’en classe affaires. Avec service de serviettes chaudes, de loup satiné pour les siestes outre-atlantiques, mais surtout, avec beaucoup, beaucoup d’espace pour s’allonger les pattes.
Absolument. Les marchandises que vous commandez ont de grandes pattes fictives, c’est là ma seule explication. C’est ma seule explication chaque fois que m’est livrée une boîte mystère surdimensionnée. Ai-je commandé un pouf? Un poney en talons hauts? Les plans et matériaux nécessaires à la construction d’une serre de 30 hectares?
Mardi matin, à la vue de cette immense boîte qui m’attendait à la porte, je me suis demandé, panique au cœur, si j’avais magasiné une tiny-house par soir de brandy. Le colis était bien adressé à mon nom, léger comme un coton-tige. Intriguée, je swingnai, d’un geste gracile, la boîte-plume sur le comptoir de cuisine, armée d’un couteau à steak et de la crainte de plus en plus concrète d’y retrouver un télégramme chanté par un clown plié en cinq avec deux petits «x» à la place des yeux. J’ouvris. Ah ben! UN BÉRET.
On dirait que chaque entreprise compétitionne avec passion contre les autres coucous de l’envoi postal pour emballer de la façon la plus ridicule, dangereuse, polluante et ostentatoire des objets qui pourraient être sacrés dans une enveloppe jaune avec un timbre et un bisou.
Pas étonnant, puisque j’en avais commandé un quelques semaines plus tôt. D’un beau vert épinette, à part ça. Le parfait chauffe-crâne. Ledit béret frôlait le dessus de la boîte, juché sur… sur 28 coussinets gonflables de plastique. Par crainte d’en froisser la laine ou de recevoir une plainte pour «transport non confortable de marchandise inerte», on avait cru bon m’envoyer l’équivalent d’un pancake de tissu dans une boîte qui aurait pu contenir mon épicerie de la semaine plus un dindon sauvage, sur un lit de ziplocs remplis d’air pour faire sûr que la délicate marchandise ne se fracasse pas les reins dans le transport. Il est vrai que ces troublantes histoires de bérets pulvérisés par la poste inondent les nouvelles du soir.
Que se passe-t-il, bonne Sainte-Anne? On dirait que chaque entreprise compétitionne avec passion contre les autres coucous de l’envoi postal pour emballer de la façon la plus ridicule, dangereuse, polluante et ostentatoire des objets qui pourraient être sacrés dans une enveloppe jaune avec un timbre et un bisou.
Avec l’empreinte écologique de gaz, de plastique et d’espace perdu dans les conteneurs causée par tous les porteux de bérets et les acheteux de dés à coudre emmaillotés dans huit pieds cubes de papier bulle dans une boîte-gymnase, je ne crains pas pour la poésie future de Maxime Bernier #plusdeCO2pourlesplantes
La bise.