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«Des feux pour voir»: la création triangulaire de Marie-Pierre Arthur

Marie-Pierre Arthur
Marie-Pierre Arthur Photo: Josie Desmarais/Métro

On pourrait croire que trois est le chiffre chanceux de Marie-Pierre Arthur, même si on parle bel et bien de son quatrième album. C’est que l’autrice-compositrice-interprète a écrit, composé et réalisé Des feux pour voir en trios. Des trios de feu, il va sans dire.

«Ce qui m’inspirait le plus, c’est l’unité qu’on devenait à trois, raconte la musicienne, rencontrée en studio. Ç’a été mon expérience première: découvrir la personnalité qu’on devenait à trois.»

Alors qu’elle avait l’habitude de composer seule ou en vase clos, Marie-Pierre Arthur s’est davantage entourée pour ce quatrième album, qui paraît cinq ans après Si l’aurore.

«Souvent, on était trois, pas toujours les trois mêmes. Et là, on composait ensemble, dit-elle, mettant l’emphase sur ce dernier mot. On jammait, en fait, comme des ados.»

C’est aussi un trio étoile qui signe la réalisation de l’album, formé d’elle-même, de son conjoint-musicien François Lafontaine et de Sam Joly.

«Si on est deux, on a la vision d’une seule autre personne, et il faut se faire entendre. À trois, j’ai trouvé ça plus riche et ça communiquait mieux», dit-elle, formant un triangle avec ses doigts.

Cette création à trois têtes lui a permis de renouveler complètement son approche du travail et d’explorer de nouvelles avenues musicales. «J’ai fait ça avec les textes aussi!» ajoute-t-elle.

Depuis Aux alentours, son deuxiè­me album en lice au prix Polaris en 2012, Marie-Pierre Arthur signe les paroles de ses chansons avec l’autrice-compositrice-interprète Gaëlle. Cette fois, les complices ont fait appel à de nouvelles plumes pour certains morceaux.

«On avait là aussi besoin de brasser la dynamique, explique la bassiste. Gaëlle a eu l’idée de faire rentrer quelqu’un de plus. Elle m’a dit: “Tu vas voir, une nouvelle personne, ça change tout!” C’est vrai! C’était complètement fou, parce que ç’a changé notre façon d’interagir même lorsqu’on était seules par après. On a écrit plein d’autres trucs juste les deux, mais avec de nouvelles options parce qu’on s’est vues aller avec d’autres.»

Ces autres, ce sont Laurence Nerbonne et Émilie Laforêt, qui cosignent respectivement les textes de Les nuits entières et de Dans tes rêves. La première, d’un folk-rock mélodieux et planant, progresse doucement pour atteindre son paroxysme à la toute fin; la deuxième démarre à fond la caisse avec des notes accrocheuses de synthés.

Deux morceaux très différents l’un de l’autre, à l’image de cet album qui prend plusieurs directions musicales et qui, comme pour ses disques précédents, sort l’artiste de sa zone de confort.

«Là, je suis rendue à quatre, donc je peux commencer à pouvoir dire qu’on dirait bien, en effet, que c’est ce qui se passe», réfléchit-elle, précisant que cette évolution va de soi pour elle.

Ces influences éclatées s’expliquent notamment par la longue période de création de Des feux pour voir, qui s’est échelonnée sur près de trois ans, au cours desquels la musicienne a traversé divers états d’esprit et exploré diverses avenues.

«Prendre son temps dans la création, se revirer de bord, recommencer, faire des u-turn, aller dans une drôle de direction en sachant que ça se peut, c’est tellement fun! C’est tellement important! On devrait passer une loi qui interdit de sortir d’album à moins de cinq ans d’intervalle!» blague-t-elle.

Le quatrième morceau de l’album, Faux, résume le contexte de départ de la création. La chanson débute par «Je ne reconnais plus rien/À la croisée des chemins/J’arrive à peine à voir/Où est le mien.»

Certains ont qualifié la perte de repères qu’elle chante de «crise de la quarantaine», mais ce serait réducteur de la résumer ainsi. «Je n’appelle pas ça une crise, ni de la quarantaine, commente Marie-Pierre Arthur. C’est plutôt le constat que j’ai une famille, que je suis installée dans ma carrière, que j’ai un chum depuis longtemps… Je suis à l’étape de ma vie où j’ai tout ce que je souhaitais avoir et où il faut que je trouve une façon de rêver à quelque chose.»

Cette angoisse de stagner, de «vivre comme un zombie à faire fonctionner ce qui existe», ce questionnement à savoir «comment brasser les cartes sans tout jeter aux vidanges» a été le premier moteur de création de l’artiste.

Ce sentiment sert de liant aux huit chansons. Il règne une inquiétante étrangeté dans l’ambiance sonore de Des feux pour voir, qui se termine néanmoins tout en douceur avec la jolie chanson Puits de lumière, écrite par son ami Louis-Jean Cormier.

«Quand j’ai envie d’être toute seule, je n’écris pas. Quand j’ai envie de voir du monde, ça veut dire que j’ai envie de faire de la musique.» Marie-Pierre Arthur, pour qui inspiration rime avec collaboration

Comme la chanteuse ne s’est donné aucune contrainte, on vit plusieurs ruptures de ton entre les chansons, ce qui donne un album tout en contrastes, à la fois lourd et planant, résolument rock et très pop.

«Grunge, punk, new wave… J’ai toujours agi avec une totale liberté. Comme je ne suis pas quelqu’un de très freak, ça donne quelque chose de pas trop out!» lance-t-elle en riant, assumant le fait que le résultat soit un peu «éparpillé».

Sur certains morceaux, comme la chanson-titre, elle s’est fait plaisir en replongeant dans les sonorités grunge de son adolescence, dans les années 1990. «J’avais vraiment le goût de ce genre de mélodies, que j’avais enfouies bien loin!» dit-elle, enthousiaste.

Sur d’autres, comme la touchante Tiens-moi mon cœur, qui parle de maternité, ou encore Dans tes rêves, ce sont plutôt les années 1980 qui sont à l’honneur grâce aux jeux de synthétiseurs.

D’ailleurs, la musicienne s’éclate royalement sur cette dernière chanson. «Le refrain est pour moi un moment de gros fun de basse», dit-elle.

Cette chanson au complet est un moment de gros fun, se permet-on d’ajouter. «Oui! Elle fait du bien, je fais juste crier et envoyer chier quelqu’un de bord en bord en faisant semblant que je raconte une histoire un peu spooky. C’est super le fun à faire!» raconte-t-elle amusée, au sujet de ce morceau qui emprunte à l’univers de l’Halloween.

Bref, chaque chanson de Des feux pour voir est un monde en soi, ce qui peut être déroutant au départ, mais qu’on apprécie un peu plus à chaque écoute. «J’aime écouter des albums comme ça, qui me garrochent d’un bord et de l’autre.»

Ne reste plus qu’à se garrocher sur celui-ci.


Un peu d’infos

Des feux pour voir
Disponible dès aujourd’hui

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