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Quand l’empathie est impossible

maladie mort

Est-ce que c’est possible de rester insensible face à une tragédie comme celle qui a eu lieu à la grande mosquée de Québec le 29 janvier 2017?

Pas nécessaire de chercher longtemps: oui, c’est possible.

En ligne, on peut trouver en quelques clics des personnes qui minimisent le geste qu’a posé Alexandre Bissonnette, ou même qui s’en réjouissent et érigent le tireur en héros incompris. Dans certains fils de commentaires qui circulent, on a l’impression de lire les fans d’une rockstar. «Go go Alexandre!» écrit ainsi un internaute.

D’autres ne vont pas jusque-là, mais aimeraient donc qu’on en revienne. La victimisation, ça suffit.

Ces réactions étaient observables il y a trois ans et le sont encore aujourd’hui.

Comment ce désert d’empathie est-il possible?

Déshumanisation

Une des réponses réside dans le fait que les musulman.es sont, depuis de nombreuses années maintenant, déshumanisé.es.

La déshumanisation est un processus par lequel on dépouille certains groupes des caractéristiques qui les rendent humains et sensibles, donc dignes de considération. Ils sont trop différents, «pas comme nous».

Deux professeurs de philosophie, Abraham Olivier et Luis Cordeiro-Rodrigues, ont publié une recherche en 2017 dans laquelle ils notent que, quand certains groupes sont perçus comme étant trop différents, leur souffrance devient moralement moins significative. Elle est jugée moins importante ou alors louche et exagérée.

C’est une souffrance qui n’émeut pas. Ce phénomène semble se manifester dans le cas de la fusillade à la mosquée de Québec.

Que des hommes musulmans soient décédés, d’autres blessés, et que les familles soient traumatisées, ne produit pas, chez bien des gens, les réactions empathiques habituelles.

Et cette absence de compassion n’est ni étonnante ni nouvelle, car le processus de déshumanisation est enclenché depuis belle lurette.

Depuis que les musulman.es, et l’Islam de manière générale, sont désignés comme boucs émissaires. Depuis que certains milieux politiques les instrumentalisent et les traitent comme des problèmes à gérer. Depuis que des commentateurs les caricaturent et les enlaidissent sans cesse.

En somme, depuis l’instauration du programme habituel: valeurs rétrogrades et sexistes, culture incompatible, accommodements, mosquées, voile-niqab-burqa, etc.

Mais c’est aussi parce qu’à bien des égards, on fait du surplace. Les solutions mises de l’avant pour contrer les phénomènes liés à la haine demeurent superficielles, et là où il serait possible de faire beaucoup plus, on regarde le racisme et l’islamophobie passer comme des nuages dans le ciel.

Aucune de ces réalités n’est prise à bras-le-corps. On peine donc à redonner du souffle à une compassion que d’autres ne cessent d’étouffer.

Maintenant, la question à laquelle il nous faudra répondre est la suivante: comment arrêter l’engrenage de la déshumanisation avant qu’elle ne nous révèle un autre de ses visages funestes?

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