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Un boulanger-meunier du Mile-End persévérant

Le boulanger-meunier Philippe Sayad au travail
Philippe Sayad est l’un des rares boulangers-meuniers du Québec à produire des pains avec de la farine intégrale. Capucine et Tournesol propose 14 sortes de pain. Photo: District - Denis Germain

Ni sucre ni farine blanche n’ont franchi la porte de la boulangerie-meunerie de Philippe Sayad. En 25 ans sur l’avenue Bernard Ouest, Capucine et Tournesol est restée fidèle à ses convictions alimentaires. Chaque jour, l’artisan du Mile End fabrique à l’aide de son moulin sa propre farine à base de grains biologiques.

Selon lui, un bon pain trouve toute sa saveur et ses valeurs nutritives dans les grains de blé moulus sur pierre, dont l’ensemble de ses composantes a été conservée.

«100 kilos de grains égalent 100 kilos de farine, évoque Philippe Sayad. On n’enlève rien, on n’ajoute rien.»

C’est la possibilité de concevoir du pain avec sa propre farine intégrale qui a motivé le cuisinier de formation à acquérir en 1991 la boulangerie, située à l’époque dans la région de Lachute. Le Montréalais a appris les rudiments du métier avec l’aide du fondateur de l’entreprise, Rosaire Potvin.

Quatre ans plus tard, M. Sayad a déménagé dans la métropole pour se rapprocher des clients alors que Capucine et Tournesol était un grossiste.

«Je me disais que j’avais envie de connaître le client que je nourris», raconte-t-il.

Critique

Le boulanger-meunier Philippe SayadÀ l’entrée de la boulangerie, deux affiches blanches au contour rouge indiquent clairement que la farine blanche et le sucre sont bannis du commerce. Une autre pancarte informe que les produits sans-gluten sont inexistants entre ses murs.

Ce geste est loin d’être militant, assure le boulanger-meunier de 60 ans. Une façon plutôt de sauver du temps et d’être transparent afin d’éviter la déception chez des consommateurs désirant une baguette de pain blanc ou un croissant, par exemple.

Néanmoins, M. Sayad se montre très critique à l’égard du raffinage menant à la farine blanche commerciale. Il déplore la perte des nutriments originaux des céréales et l’ajout d’additifs alimentaires pour l’enrichir.

«L’industrie enlève le germe, tout ce qui a de nutritif dans le grain, décrie-t-il. C’est devenu tellement pauvre que la loi oblige aux fabricants de farine blanche de remettre des vitamines qui proviennent d’un laboratoire de chimie.»

Les intolérances au gluten sont apparues en raison du blé dénaturé, soutient M. Sayad. «Parce que, quand tu n’as pas de fibres pour assimiler le gluten qui est dans le grain, il te colle aux parois intestinales. Et là, tu as des problèmes de ballonnements et de digestion», expose le boulanger.

Produits de niche

Seul désormais à porter à bout de bras son commerce, M. Sayad produit entre 30 et 200 pains quotidiennement, selon la demande. Il propose aussi ses propres plats préparés, en plus de muffins.

La boulangerie-meunerie a déjà compté sur une douzaine d’employés. Pour une question de rentabilité, l’artisan a décidé d’opérer lui-même l’établissement.

«J’ai déjà vendu quatre à six fois plus qu’aujourd’hui», mentionne Philippe Sayad. Il montre du doigt l’analphabétisme alimentaire général pour expliquer la baisse de ses revenus.

«Quand j’ai ouvert, j’avais les mêmes produits qu’aujourd’hui. Toutes les personnes qui rentraient ici et qui ne connaissaient pas mes produits étaient curieuses et avaient envie de goûter. Maintenant, j’ai plus de gens qui font la grimace et ressortent parce qu’ils ne reconnaissent pas leur croissant et leur baguette blanche», observe-t-il.

En revanche, le boulanger considère ces pains de farine intégrale comme une force. Nutritifs, ses aliments lui permettent de se démarquer et d’avoir une clientèle fidèle, qui a traversé les générations.

«J’ai un produit de niche. Ma clientèle provient de partout à Montréal. Je suis le seul à le faire et c’est important de continuer», soutient-il.

Philippe Sayad souhaite tenir la barre durant encore plusieurs années, dans l’espoir que d’autres suivent ses traces.

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