Un petit mandat avec ça?

La cybercriminalité me répugne, particulièrement lorsqu’elle cible des mineurs. Pourtant, je trouve le projet de loi C-30, «Loi sur la protection des enfants contre les cyberprédateurs», inadmissible. Et je suis loin d’être seule. L’opinion publique s’est enflammée au point de pousser le gouvernement à montrer de l’ouverture face à d’éventuelles modifications.

Il est impensable que sans aucun mandat de perquisition, les services de police, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et le Bureau de la concurrence puissent obtenir des données personnelles de clients comme le nom, l’adresse, le numéro de téléphone, le courriel et l’adresse IP provenant des fournisseurs internet. Par ailleurs, il faudrait m’expliquer en quoi le Bureau de la concurrence peut aider quand vient le temps de cerner un cyberprédateur.

Ce qui est encore plus dérangeant, c’est de voir le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, diviser la population avec des manœuvres plus ou moins élégantes. Vous êtes avec moi ou contre moi. Ce qui, en termes clairs, s’est traduit dans une réponse à un député libéral en chambre. M. Toews lui a dit que, de deux choses l’une, il pouvait se ranger du côté du gouvernement ou «des pédophiles» qui sévissent en ligne. Il serait trop facile de diviser la population en deux. On ne se range pas automatiquement du côté «des pédophiles» en ligne si on s’oppose.

Personne n’est contre le fait d’arrêter les cyberprédateurs, bien au contraire. Comme le mentionne le ministre de la Justice, Rob Nicholson, les criminels ont dépassé les technologies du XXe siècle. Il est vrai que les lois doivent s’ajuster et offrir les outils nécessaires pour combattre le crime au XXIe siècle. Toutefois, rien n’empêche d’atteindre cet objectif en suivant les règles de l’art. Un mandat de perquisition permet de mettre le filtre nécessaire pour maintenir la confiance et éviter les chasses aux sorcières. D’autant plus qu’il y a raison de s’inquiéter quand le gouvernement étend les pouvoirs à d’organismes qui sont loin d’être en lien avec le titre du projet de loi.

Si elle est adoptée, la loi C-30 fera du Canada le pays qui sera allé le plus loin. Mais elle risque peu de passer le test des tribunaux. Déjà, la commissaire à la vie privée a fait des mises en garde, et plusieurs juristes s’avancent pour dire que cette loi ne respecterait pas la Charte. Souhaitons que des amendements viennent corriger le tir et fassent de cette loi ce qu’elle doit être : un outil de protection du public et non un outil d’intrusion dans la vie des citoyens.

– Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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