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Un an de pandémie: des milliers de deuils en suspens

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Le deuil pandémique n'a rien de commun avec un deuil normal, selon la chercheuse Mélanie Vachon. Photo: 123RF
Coralie Hodgson, Anouk Lebel - Métro Média

Un an après le début de la pandémie, des milliers de familles sont toujours dans le deuil d’un proche mort de la COVID-19. Un deuil suspendu dans le temps, faute de rituels à la mesure de l’être cher.

Louise Croussett a la gorge serrée lorsqu’elle relate comment la pandémie lui a volé les derniers moments aux côtés de sa mère, en avril dernier.

Le CHSLD d’Huguette a été frappé par une éclosion et la dame de 91 ans a vu son état se détériorer en quelques jours seulement. Elle-même à risque d’attraper le virus, Louise n’a pu passer qu’un court moment aux côtés de celle dont elle a été inséparable toute sa vie.

«Je lui ai tenu la main. J’ai essayé d’avoir un prêtre pour lui donner les derniers sacrements. […] Elle n’a même pas pu avoir ça», dit-elle, la voix brisée.

La douleur ne l’a envahie qu’un mois plus tard, en récupérant ses effets personnels. «J’ai vu que je n’avais pas pu dire adieu comme il faut à ma mère. Elle a dû être incinérée à cause de la COVID, même si ce n’est pas ça qu’elle voulait.»

«Deuil pandémique»

Louise Croussett est loin d’être la seule à ne pas avoir dit au revoir à sa mère comme elle l’aurait voulu.

La professeure de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Mélanie Vachon a vite compris que le «deuil pandémique» n’aurait rien de commun avec le deuil d’avant.

«C’est un deuil suspendu. Plusieurs personnes n’ont pas pu être là au moment du décès, mais aussi dans les semaines avant», explique la chercheuse au Réseau québécois de recherche sur les soins palliatifs et de fin de vie.

Depuis avril, la psychologue suit plus d’une trentaine de personnes endeuillées. La plupart n’ont pas pu organiser des rituels à la mesure de leur être cher. «Elles sont encore dans l’attente. Elles ont l’impression que tout ça est irréel», indique-t-elle.

C’est le cas de Claudine Massé.  Sa mère, Réjeanne Valiquette, est morte de façon foudroyante en avril. En quelques jours, la COVID-19 a détruit le poumon droit de la dame de 85 ans. Mme Massé n’a eu que quelques heures pour aller la voir avec son fils, à travers un rideau de plastique.

Les funérailles ont eu lieu quelques semaines plus tard. «On avait le droit à 10 personnes, mais on en a invité seulement trois. C’était juste trop dur ne pas pouvoir se prendre dans nos bras», témoigne-t-elle.

C’est pour cette raison que Louise Croussett a repoussé les funérailles de sa mère autant qu’elle a pu. Elle a attendu jusqu’en août, 25 personnes pouvaient alors assister à la cérémonie, mais toujours sans «s’embrasser, ni se coller».

«C’est un deuil cruel. C’est un deuil qui ne finit plus de finir, parce qu’on est toujours en pandémie. On est toujours confinés.» -Claudine Massé, fille de Réjeanne Valiquette, morte de la COVID-19 le 17 avril 2020

Des morts banalisées

Avec plus de 10 000 morts de la COVID-19 au Québec, des décès rapportés chaque jour, il y a une certaine banalisation du deuil, selon Mme Vachon.

«C’est devenu presque normal d’avoir un proche mort de la COVID-19. […] C’est d’autant plus souffrant pour les personnes endeuillées. Les décès sont devenus un chiffre banal», déplore-t-elle.

Pour rendre hommage à leurs proches, les familles endeuillées ressentent le besoin de se réunir. «On a besoin de parler. On a le cœur gros», témoigne Louise Croussett.

Quant à elle, Claudine Massé souhaite que des monuments soient érigés dans chaque région du Québec, justement pour que les familles aient un lieu pour se réunir et rendre hommage à leurs proches.

«Ce sont plus de 10 000 personnes humaines qui ont une histoire, une vie. Elles avaient encore des mois, voire des années à vivre. La COVID-19 les a fauchées.»

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