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L’Ukraine, ou les réfugiés à acceptabilité variable

Des réfugiés Ukrainiens arrivant à une station de train à Liev
Photo: IStock / Joel Carillet

CHRONIQUE – Les chiffres, tout juste publics, sont dévastateurs. Quelques semaines après l’invasion russe, sauvage et illégale, 10 millions de personnes, soit environ le quart de la population ukrainienne, ont fui leurs foyers respectifs. On parle ici essentiellement de femmes et d’enfants, les hommes âgés de 18 à 60 ans ne pouvant quitter la mère patrie, au motif d’enrôlement possible ou probable. 

En fait, selon l’UNICEF, plus de 1,5 milliard des actuels réfugié.es seraient des enfants. Orphelins, d’ailleurs, trop souvent. À crever le cœur. Et la dernière fois que l’Europe a connu un flot aussi vif? On vous laisse deviner. Oui, exact. Depuis la… Seconde Guerre mondiale. 

Or, dans le nano-rayon des mini-nouvelles, ceci: la réaction d’une communauté internationale solidaire et soudée. Rarement, sinon jamais, a-t-on vu, Canada et Québec inclus, un unanimisme si important sur le plan de l’ouverture à l’autre, de l’humanisme. Au point d’une première: Justin Trudeau est présentement accusé par le chef du Bloc, Yves-François Blanchet, de se traîner les pieds en matière de processus d’acceptation, le premier ministre se formalisant, à tort, de détails procéduraux préalables. À tort? Oui, en effet. Parce que l’essence même d’un réfugié est de se RÉ-FU-GI-ER. Alors accueillons-les, évitons-leur les bombes et on remplira, plus tard, le formulaire 789-04-27 paragraphe 6 b) ii). 

Surprise aussi du côté de Québec, qui se dit enclin à accepter, sans limite, tout rescapé de la présente guerre maudite. Surprenant, oui. Parce que pas plus tard qu’en décembre dernier, le ministre de l’Immigration du gouvernement Legault implorait Ottawa de fermer le chemin Roxham, et ce, afin d’éviter que des réfugiés amenuisent notre lutte anti-COVID. La raison? Leur faible taux de vaccination… présumé. 

Me souviens aussi du tollé provoqué, à l’été 2018, par l’arrivée au pays de quelques milliers de réfugiés haïtiens, sortis des USA par coups de pied au cul, gracieuseté trumpiste. Panique semi-totale chez certains médias, lesquels s’insurgeaient du caractère apparemment illicite des nouveaux venus: IMMIGRANTS ILLÉGAUX, écrivaient en boucle quelques chroniqueurs de ce monde. Malgré les efforts afin de leur expliquer l’inexistence du concept d’illégalité, à cet effet, en droit interne ou international, rien à faire: si tu ne rentres pas par Dorval, passeport en main, les poches pleines et (idéalement) bien rasé, la Loi, aux dires de ces experts, ne veut pas de toi.  

On se rappelle aussi la promesse de Québec d’accueillir, du bout des lèvres, quelques réfugiés afghans. Déjà que le nombre promis, soit 300, était fantastiquement dérisoire, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration nous apprenait, dernièrement, qu’à peine 89 d’entre eux sont maintenant installés au Québec. 

Bien loin des 5000 Syriens débarqués ici malgré l’opposition de divers groupes d’extrême droite, aka La Meute et Atalante, formés pour l’occasion, et des usual suspects, côté chroniqueurs. Dans une entrevue radiophonique de 2015, l’un de ceux-ci, et on vous laisse deviner lequel, affirme: «L’islamophobie, t’en vois-tu, toi, des incendies dans les mosquées et des musulmans qui se font frapper sur la rue? C’est pas ça, la grande menace, ces temps-ci […] Tous les musulmans ne sont pas des terroristes, mais tous les terroristes sont musulmans.»

Où je m’en vais, avec tout ça? Que l’ouverture aux réfugiés ukrainiens fait chaud au cœur. Qu’elle rappelle les belles années de solidarité, celles d’un Québec qui en est capable, à temps plein, sans discrimination quant à l’origine ou la religion. Le Québec du poète-ministre Gérald Godin, notamment. Celui à qui on doit, sur un mur près du métro Mont-Royal, les mots-bijoux suivants:

Sept heures et demie du matin métro de Montréal
c’est plein d’immigrants
ça se lève de bonne heure
ce monde-là

le vieux cœur de la ville
battrait-il donc encore
grâce à eux

ce vieux cœur usé de la ville
avec ses spasmes
ses embolies
ses souffles au cœur
et tous ses défauts

et toutes les raisons du monde qu’il aurait
de s’arrêter
de renoncer

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