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Diversité au théâtre: «les lignes ont bougé, mais pas assez»

Photo: Jean Numa Goudou, Journal Métro

Pour l’historien québécois d’origine haïtienne Frantz Voltaire, par rapport aux années 60, «les lignes ont bougé» en matière de représentation des communautés racisées dans les arts vivants, notamment à Montréal. Mais pas assez, selon lui.

Plusieurs enjeux minent encore l’accès de ces personnes à ce domaine, selon ce qui est ressorti des ateliers tenus les 15 et 16 avril dans le cadre du colloque organisé par la Compagnie Théâtre Créole (CTC): la reconnaissance institutionnelle et organisationnelle auprès des paliers de gouvernement, l’accès aux infrastructures comme les salles de spectacle ou de répétition, la formation de la relève, et, enfin, les limites de l’universalité du système.

«Le système fonctionne selon un principe d’universalité qui, de temps en temps, crée une certaine exclusion par rapport à nos spécificités», observe Witchner Orméus, membre du CA de la CTC.

Chargée de projets au Conseil des arts de Montréal (CAM), Mariza Rosales Argonza, qui assistait au colloque, admet en entrevue avec Métro que «ce n’est pas évident et qu’il y a des enjeux majeurs». Elle révèle que le CAM réalise actuellement des consultations autour de la question et qu’une première ébauche de ce travail est déjà disponible.

Cible de 25%

«Pour la plupart des artistes, ce qui ressort souvent, c’est une méconnaissance de la façon de fonctionner du système et du coup, ils ne se sentent pas interpellés. Ils ont aussi de la difficulté à produire des demandes de subvention», indique Mme Argonza.

Selon les données de Statistique Canada datant de 2022, seulement 14% des soutiens octroyés vont aux communautés racisées, à Montréal. «Mais nous avons un objectif de 25% d’ici 2025 dans notre Plan diversité», confie à Métro Mariza Rosales Argonza.

Le colloque était très couru par des pratiquants des arts vivants aux prises avec des difficultés dans leur domaine. Stella Lemaine, jeune Montréalaise qui vient de terminer un baccalauréat en théâtre à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a passé pas moins d’une quinzaine d’auditions à la suite de ses études, il y a un an déjà.

Elle a eu quelques petits contrats ici et là, mais rien de majeur dans la carrière qu’elle souhaite entreprendre. Alors qu’elle cherche justement à acquérir de l’expérience, Mme Lemaine se fait souvent dire qu’elle n’en a pas assez.

Dans celles [les auditions] que j’ai eues, il y a toujours des “ah, ben là… tu n’es pas assez formée”. Mais, voyez-vous, on me demande quelque chose que justement je cherche à avoir.

Stella Lemaine, qui détient un baccalauréat en théâtre de l’UQAM

Rodrigue Barbe est venu de la République centrafricaine en 2014 faire une thèse en théâtre à l’Université Laval, qu’il a terminée en 2016. Mais, une fois les études terminées, «cela devient compliqué» d’entrer dans le milieu, dit-il.

L’organisme Carrefour d’action interculturelle (CAI) l’a accompagné et l’a aidé à réaliser quelques activités théâtrales en puisant dans ses moyens limités. Ensuite, il a dû se débrouiller seul. «On m’a balloté à droite, à gauche, et rien n’a fonctionné», se rappelle le metteur en scène qui dit être une sommité dans son pays.

Mais ici, au Québec, en tant que comédien, metteur en scène, c’est mort. Théâtralement parlant, je suis étouffé. 

Rodrigue Barbe, metteur en scène et comédien

La coordonnatrice de la Compagnie Théâtre Créole, Nerlande Gaétan, prône une synergie des communautés culturelles pour s’en sortir. «Les communautés racisées fonctionnent trop en silo et du coup elles ont moins de force», laisse-t-elle tomber.

À preuve, son organisation a invité pas moins de cinq communautés différentes, mais seulement la communauté hispanique a délégué une représentante. «Ainsi, il est difficile d’avoir une communauté de pratique», regrette Mme Gaétan. Elle a invité aussi des écoles de théâtre, mais aucun représentant n’a répondu à l’appel.

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