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Michel Marc Bouchard: «j’ai le droit de parler de tout»

Le dramaturge Michel Marc Bouchard ne recevra pas une, mais deux récompenses ce printemps. Photo: Gracieuseté, Olivier Clertant

Si le dramaturge Michel Marc Bouchard dit avoir apprivoisé avec le temps son statut d’auteur iconique gai, il insiste pour que son travail soit jugé pour ce qu’il est et non pas pour qui il est. 

Le Prix Violet que l’auteur des Feluettes et des Muses orphelines reçoit ce vendredi confirme d’ailleurs ce statut, puisqu’il est décerné à un écrivain canadien issu de la communauté LGBTQ pour l’ensemble de son œuvre. 

«Avec le temps, j’ai apprivoisé ce label associé à mon nom, parce que l’œuvre a vraiment été utile à beaucoup de gens», explique Michel Marc Bouchard en entrevue avec Métro

Cependant, il déplore que la couleur de peau, l’origine, l’orientation sexuelle ou encore le handicap d’un artiste soient devenus des critères presque incontournables pour recevoir du financement de la part des conseils des arts au pays. 

«Avez-vous fait récemment une demande de subvention au Conseil des arts du Canada? Je dois quasiment dire avec qui je couche dans ma chambre à coucher», soutient-il. 

Autocensure et intervention de l’État 

Pourtant, il y a plus de 50 ans, lors de la présentation de la loi omnibus qui allait décriminaliser l’homosexualité, le ministre de la Justice de l’époque, Pierre Elliott Trudeau, affirmait que «l’État n’a rien à faire dans les chambres à coucher de la nation». Une ironie du sort? 

Michel Marc Bouchard n’en démord pas, l’État n’est jamais autant intervenu dans la création. Selon lui, ce dernier ne doit pas imposer aux artistes «ce qu’on doit faire, ce qu’on doit dire, ce qu’on ne doit pas dire». 

J’ai le droit de parler de tout. L’écrivain est là pour scruter les paradoxes de l’être humain, ses lumières comme ses noirceurs, pas rédiger des guides de savoir-vivre.

Michel Marc Bouchard

La situation actuelle pousse les écrivains à s’autocensurer, soutient-il, tout comme les universités. 

Choyé par la vie 

N’empêche, Michel Marc Bouchard s’estime choyé par la vie. Le dramaturge a vu la mort de près lorsqu’il a été victime d’un infarctus en mars dernier, alors qu’il était seul à la maison. 

«Au moment ultime, j’ai été envahi d’un sentiment de gratitude par rapport à ma vie, en me disant que j’ai vraiment été quelqu’un de très chanceux et choyé. Et en plus, avec deux prix plutôt qu’un pour ce printemps, je me disais que si j’avais à quitter ce monde, j’aurais été quelqu’un d’heureux.» 

En effet, en plus du Prix Violet, Michel Marc Bouchard recevra le 27 mai le Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle, une occasion qui lui permet de souligner sa fierté d’avoir créé en français. 

«On est près de huit millions de francophones dans un océan anglais, avec l’une des nations impérialistes, au niveau culturel, qui est la plus forte au monde, c’est-à-dire les États-Unis», mentionne-t-il.

Qu’on puisse résister, qu’on puisse encore écrire dans notre langue, l’une des plus belles, parce qu’elle est multiple, vivante, c’est l’une des plus grandes fiertés que j’ai eues.

Michel Marc Bouchard

Il ajoute que cela permet de rappeler au reste du Canada que la langue française n’est pas seulement «une coquetterie ou une obligation de bilinguisme, c’est aussi une langue qui est profondément ancrée dans l’ADN du Québec». 

Une œuvre universelle 

Michel Marc Bouchard raconte que lors des premières représentations de la pièce Les Feluettes à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier en 1987, le metteur en scène, André Brassard, craignait de s’adresser uniquement à un public homosexuel. «Un an après, elle était au TNM [Théâtre du Nouveau Monde]. Tout le monde se reconnaissait dans nos histoires d’amour», se remémore le dramaturge. 

Preuve que son œuvre est profondément universelle, les pièces de Michel Marc Bouchard ont été jouées jusqu’ici dans plus d’une cinquantaine de pays et dans une vingtaine de langues. 

Je suis tellement fier de tout ce qui se passe avec Tom à la ferme, parce que la pièce est montée dans des pays homophobes, totalitaires, conservateurs.

Michel Marc Bouchard

Michel Marc Bouchard est également très fier de recevoir le Prix Violet remis dans le cadre du Métropolis bleu, «le plus grand festival de littérature de Montréal».  

«J’ai été très étonné et touché lorsqu’on m’a appelé. Ce sera avec un immense honneur que je vais recevoir ce prix.» 

Le Prix Violet sera remis ce vendredi 28 avril à 20h30 à l’Espace Godin de l’Hotel 10. La cérémonie sera suivie d’un entretien sur scène et d’une séance de dédicaces. 

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