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Hausser les salaires n’entraînerait pas une hausse significative des prix, selon une étude

Inflation des prix
Photo: Istock

Alors que la Banque du Canada n’écarte pas l’idée de relever à nouveau le taux directeur et appelle à limiter les hausses salariales pour juguler l’inflation, une nouvelle étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) suggère qu’il serait possible d’ajuster les salaires au coût de la vie sans augmenter de manière significative le niveau des prix.

Selon l’étude rendue publique jeudi, les analyses historiques démontreraient que les «spirales salaire-inflation», phénomène lors duquel une hausse des salaires entraîne une hausse des prix, et ainsi de suite, sont très rares et peu probables en réalité.

Une analyse économétrique menée à partir de données réelles pour le Québec suggère qu’une hausse de salaire de 7,3% entre mai 2023 et mai 2024 ferait augmenter le niveau des prix au plus de 1,6% sur 3 ans.

Par ailleurs, les auteurs de l’étude disent avoir analysé plusieurs épisodes inflationnistes similaires à celui que nous vivons actuellement. Ceux-ci étaient tous provoqués par un choc du prix des matières premières, dans un contexte où la demande de travail est forte et où les salaires nominaux augmentent.

«Parmi les 22 épisodes qui reflétaient cette situation, aucun n’a mené à une spirale salaire-inflation. Il a été observé, au contraire, que, parallèlement à la décélération graduelle de l’inflation, les salaires nominaux ont continué à augmenter, permettant ainsi de faire remonter graduellement le salaire réel», peut-on lire dans l’étude.

En raison des données recueillies, les chercheurs de l’IRIS ne croient pas en l’existence d’une spirale salaire-inflation.

«Ce concept guide pourtant bon nombre de décisions de la Banque du Canada qui demande aujourd’hui aux entreprises et aux gouvernements de ne pas ajuster les salaires à l’inflation», déplore la chercheuse à l’IRIS et co-autrice de la note Eve-Lyne Couturier.

Perte de pouvoir d’achat

Entre avril 2020 et avril 2023, le niveau des prix a augmenté d’environ 75% de plus que le revenu médian au Québec. Cela fait en sorte qu’une personne gagnant le revenu médian a vu son pouvoir d’achat diminuer de 6,7% depuis le début de la pandémie, correspondant à un total d’environ 3100$.

Les auteurs de l’étude déplorent qu’au lieu de favoriser un rattrapage des salaires à la hausse du niveau des prix, la Banque du Canada privilégierait un ralentissement de l’économie pour contenir l’inflation future.

«La politique monétaire de la Banque du Canada n’est pas neutre: elle crée des perdants et des gagnants. En choisissant d’augmenter les taux d’intérêt, et conséquemment de l’intérêt hypothécaire, la Banque du Canada demande aux ménages d’absorber les coûts de la lutte contre l’inflation», souligne Eve-Lyne Couturier.

«Une inflation élevée n’est pas un problème en soi. Elle le devient lorsque les revenus des ménages n’augmentent pas au même rythme que celui du coût de la vie. Ramener la croissance des prix à la cible de 2% apparaît nettement moins urgent si l’on compense la perte du pouvoir d’achat des ménages en indexant leurs revenus, surtout si une spirale salaire-inflation est hautement improbable», précise de son côté Raphaël Langevin, chercheur à l’IRIS et co-auteur de l’étude.

Revoir le mandat de la Banque du Canada ?

La Banque du Canada, en haussant de manière «draconienne» son taux directeur, nuirait à son propre mandat en créant un climat économique défavorable aux investissements nécessaires à la transition écologique et à la stabilisation des prix à plus long terme, croient les auteurs de l’étude.

Rappelons que le 12 avril dernier, la Banque du Canada a choisi de maintenir son taux directeur à 4,5%, son plus haut niveau depuis 2007.

Les chercheurs de l’étude précisent d’ailleurs que l’explosion du coût des énergies fossiles serait responsable à elle seule de 52% de la sur-inflation observée entre mars 2020 et août 2022, tandis que 16% de la sur-inflation observée au mois de mars dernier est attribuable à la hausse des taux d’intérêt hypothécaires.

«Dans un contexte de lutte aux changements climatiques et de crise du logement, il est plus que jamais pertinent de revoir le mandat de la Banque du Canada et de rediscuter démocratiquement de ses objectifs afin qu’elle serve les intérêts de la population et non principalement ceux des créanciers et des détenteurs de capitaux», rappelle Raphaël Langevin.

Toujours selon les auteurs de l’étude, la cible d’inflation fixée à 2% devrait être «plus large» et des périodes de dépassement de cette cible «un peu plus longues» devraient être tolérées.

Solutions

L’étude de l’IRIS propose quelques solutions afin de pour protéger le pouvoir d’achat des Québécois, notamment l’indexation automatique des revenus.

L’augmentation de la productivité serait l’une des façons de s’assurer que des augmentations de salaire importantes n’exercent pas une pression trop élevée sur les prix.

«Le principal moyen d’augmenter la productivité est d’investir dans les technologies et le développement de la main-d’œuvre. Des exigences d’investissement et d’innovation devraient accompagner les programmes de soutien et de subventions aux entreprises proposés par les gouvernements provincial et fédéral», expliquent les chercheurs de l’IRIS.

L’étude recommande également de renforcer les pouvoirs d’enquête ou de réglementation du gouvernement sur la fixation des prix des biens essentiels.

«Cette surveillance pourrait être exercée par le Bureau de la concurrence ou par la création d’un protecteur des consommateurs et consommatrices qui aurait pour mission de s’assurer que la hausse du niveau des prix des produits de base s’explique réellement par une hausse des coûts de production et non par une réduction (concertée ou non) du niveau de compétition entre les acteurs d’un même secteur», lit-on dans l’étude.

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