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Le droit comme outil pour combattre l’itinérance?

Manifestation contre les évictions
Photo: Quentin Dufranne / Métro Média

Peut-on utiliser le droit, les concepts légaux, pour protéger davantage les personnes en situation d’itinérance et forcer les différents paliers gouvernementaux à investir les sommes nécessaires pour les sortir de la rue? Oui, croient les organisateurs d’un colloque tenu lundi à Montréal.

Le nombre de personnes qui vivent un épisode d’itinérance est en croissance dans la métropole. Les ressources déployées pour leur venir en aide augmentent aussi, mais elles sont loin de répondre à la demande croissante.

Pour James Hughes, président-directeur général de la Mission Old Brewery, il est temps que l’itinérance ne soit pas seulement une responsabilité gouvernementale, mais bien une obligation.

«Depuis longtemps, on s’attaque à l’itinérance comme si c’était un virus à traiter. Mais est-ce qu’on peut avoir un « vaccin » contre l’itinérance? Avec les bons outils légaux, on peut utiliser le droit comme « vaccin » pour s’assurer que moins de gens se retrouvent dans cette situation», affirme-t-il en entrevue.

M. Hughes participait lundi à un colloque présentant les avancées préliminaires du projet Co-construire un cadre juridique pour prévenir l’itinérance au Québec, coordonné par le Collectif québécois pour la prévention de l’itinérance. Le projet, qui s’étale sur 18 mois, vise à mettre de l’avant une réforme législative qui assurerait une meilleure réponse à l’itinérance de la part du gouvernement et des municipalités.

«Le Québec investit seulement la moitié de ce qui est investi par la moyenne des pays de l’OCDE et seulement un cinquième de ce qui se fait en France», ajoute Pearl Eliadis, professeure associée à l’École de politiques publiques Max Bell de l’Université McGill, qui participe aussi au projet.

Le projet réunit des chercheurs et des groupes qui luttent contre l’itinérance.

Des obligations beaucoup plus contraignantes pour les villes

La France représente justement un des modèles sur lesquels les organisateurs se penchent. Grâce à deux lois adoptées en 2000 et en 2007, la loi «SRU» et la loi «DALO», la France a réussi à atteindre une proportion de 17% de logements sociaux.

Au Québec, seulement 3,5% des ménages habitent dans une unité de logement social.

Selon Pearl Eliadis, ces deux lois imposent des obligations beaucoup plus contraignantes aux communes françaises. Celles-ci peuvent être mises à l’amende si elles ne respectent pas les taux prescrits de logements sociaux. Un individu qui ne trouve pas un logement convenable peut aussi s’adresser au tribunal pour que la commune le loge.

Selon Mme Eliadis, ce genre de menace légale est le meilleur outil pour motiver les municipalités québécoises à mettre les ressources nécessaires pour loger tout le monde.

«Il n’y a rien de mieux pour la concentration que la menace de devoir payer», lance-t-elle.

En plus de la France, la Finlande et l’Angleterre imposent aussi un devoir d’assistance semblable. Elle aimerait voir une loi semblable s’appliquer au Québec.

Obligations supplémentaires pour les groupes les plus à risque

Le poids de la réponse à l’itinérance ne tomberait pas que sur les municipalités si M. Hughes et Mme Eliadis obtenaient leur souhait. Le gouvernement du Québec aurait aussi des obligations supplémentaires à l’égard des groupes les plus à risque de se retrouver sans domicile.

Ils souhaitent que l’État soit tenu responsable de s’assurer que les personnes qui sortent d’un long séjour dans un hôpital – notamment un hôpital psychiatrique – ou une prison aient une option de logement convenable à leur sortie. Idem pour les femmes victimes de violence conjugale à leur sortie des services d’hébergement d’urgence.

Ils souhaitent aussi interdire les évictions par le propriétaire si le locataire se trouverait en situation d’itinérance.

«On sait qu’entre 40% et 50% des personnes qui sont récemment en situation d’itinérance ont été évincés», souligne la professeure Eliadis.

En décembre 2023, le RCLALQ publiait un rapport montrant que les évictions forcées avait augmenté de plus de 140% à Montréal en un an seulement.

Et la constitution?

Le projet pour utiliser le droit comme outil de lutte à l’itinérance arrive alors que le gouvernement du Québec a lancé un processus pour se doter d’une nouvelle constitution. C’est un excellent contexte pour régler des iniquités du cadre constitutionnel actuel, selon James Hughes.

«Les droits économiques ne sont pas suffisamment pris en ligne de compte, y compris le droit au logement», dit-il.

Mme Eliadis souligne pour sa part que le logement est reconnu comme un droit, mais que la suffisance des ressources allouées n’est pas une question «justiciable». C’est-à-dire que le gouvernement ne peut être poursuivi parce que les ressources attribuées au logement sont insuffisantes pour répondre aux défis.

Un simple ajout après l’article 45 de la Charte des droits et liberté de la personne suffirait à changer le statu quo juridique, dit-elle. Cet article indique que toute personne a droit à des mesures d’assistance financière et sociale pour permettre un niveau de vie décent. Mme Eliadis propose qu’un article «45.1» nomme expressément le droit à un logement décent qu’une loi vienne encadrer ce droit.

Le rapport découlant du projet Co-construire un cadre juridique pour prévenir l’itinérance au Québec sera diffusé en mars 2026.

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