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«On légitime la discrimination», dit Justin Trudeau du projet de loi sur la laïcité

S’il est adopté, le projet de loi sur la laïcité «légitimera la discrimination contre les citoyens», martèle Justin Trudeau en entrevue avec le chroniqueur de Métro Frédéric Bérard. Il estime que ce règlement pourrait potentiellement créer un dangereux précédent.

«Ça commence avec l’État, mais si des entreprises voient que tu peux discriminer quelqu’un à cause de sa religion, que c’est accepté par l’État, ça va créer une discrimination, a-t-il expliqué. On ne peut pas prétendre être une société libre si on n’est pas en train de défendre les droits de tout le monde.»

Questionné sur l’appui massif au projet dans la province, l’élu fédéral dit ne pas trop s’en préoccuper, faisant référence à des incidents similaires dans le passé.

«On avait vu des chiffres pareils pour la Charte des valeurs de Mme Marois. Quand les gens ont compris que ça voulait dire qu’un immigrant pouvait perdre sa job, ils ont été pas mal moins intéressés.» -Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Sans vouloir préciser s’il s’impliquera ou non dans le débat, M. Trudeau dit avoir «confiance dans les Québécois», ajoutant qu’il souhaite d’abord «voir comment les discussions vont se dérouler».

Le chef des libéraux est aussi revenu sur l’affaire SNC-Lavalin, qui a fait mal à son parti depuis quelques semaines.

Pour Justin Trudeau, protection de l’environnement et essor économique ne sont pas contradictoires. (Métro/Martin Ouellet-Diotte)

«Moi, je trouvais ça important de penser aux conséquences que ça aurait sur bien des gens de voir des problèmes chez SNC-Lavalin, a-t-il fait valoir. Elle [l’ancienne ministre Jody Wilson-Raybould] trouvait qu’on ne devrait pas s’en préoccuper, que je ne devrais même pas lui en parler. Mais c’est ma job

Jamais son cabinet «n’a franchi une ligne», persiste à dire Justin Trudeau. «C’est toujours compliqué, avoir des différends en politique, mais là c’est devenu une grosse affaire, a-t-il analysé. Avoir des gens en désaccord fait de nous un meilleur gouvernement, mais à un moment donné, il faut quand même rester en équipe.»

Pipeline, pas pipeline?
À cette épineuse question qui continue de ternir l’image pro-environnementale du Parti libéral, son chef répond «qu’il faut comprendre que transformer notre économie, ça ne va pas se faire du jour au lendemain».

«On est en train d’investir [dans la transition énergétique], a-t-il considéré. Le gros problème, c’est qu’on perd des dizaines de milliards par année, parce qu’on ne vend notre pétrole qu’aux États-Unis. Ça nous coûte énormément cher, surtout que c’est de l’argent qu’on pourrait investir dans la transformation de notre économie.»

En construisant un oléoduc «sécuritaire et moderne», le premier ministre dit vouloir «passer au-delà de la dépendance au pétrole», un processus qui demandera selon lui quelques années encore.

«Je comprends tout à fait les gens qui veulent qu’on aille plus vite. Le souci, c’est que les conservateurs, eux, veulent des pipelines partout, sans rien proposer pour l’environnement. Et ils vont quand même aller chercher des sièges au Québec», a-t-il déploré.

Il a réitéré que, selon les experts, «on a 11 ans pour arriver à changer les choses». «À l’intérieur de cette période, il faut aller le plus vite possible. C’est pour ça qu’on a mis un prix sur la pollution au Canada», a argué M. Trudeau.

En dépit des humeurs de Donald Trump, Justin Trudeau affirme avoir une relation constructive avec nos voisins du Sud et principal partenaire économique. (Métro/Martin Ouellet-Diotte)

Le spectre du populisme
S’il refuse de reconnaître que la montée du populisme de droite en Occident pourrait jouer contre lui aux prochaines élections, Justin Trudeau veut tout de même lutter contre ces mouvements, «basés sur la peur et l’ignorance».

«Ça se nourrit énormément de l’anxiété. Les gens voient la technologie venir, l’immigration, les échanges commerciaux avec plus de pays, les emplois qui disparaissent. Et là, les populistes, surtout de droite, offrent des solutions simples, en disant qu’ils vont tour régler ça, comme c’était avant, [du genre] Make America Great Again.» -Justin Trudeau, décochant une flèche au passage à Donald Trump

«Ne vous inquiétez pas, je vais tout régler parce que je suis fort. C’est prendre les gens pour des nonos, de proposer des solutions simplistes à des problèmes complexes», a-t-il renchéri.

Justin Trudeau estime être un premier ministre très différent de son père. (Métro/Martin Ouellet-Diotte)

Le président américain «est quelqu’un qui a sa façon de faire», a nuancé M. Trudeau, rappelant que, malgré les désaccords, «on a des relations constructives qui nous ont servi pour régler le dossier de l’ALÉNA, du contre-terrorisme ou en ce moment, de l’aluminium et de l’acier», à une époque de «protectionnisme extrême».

«On est en désaccord profond sur pas mal de choses, mais moi, je continue d’être ferme pour défendre nos valeurs. Je suis pro-environnement et pro-LGBT, même si Donald [Trump] ne l’est pas», a-t-il illustré, soulignant que, peu importe ses opinions, le prochain premier ministre canadien devra conserver de bonnes relations avec les États-Unis. «On n’est pas au secondaire», a-t-il tranché.

En rafales

  • Sur les critiques de son choix de vêtements en Inde : «Je trouve ça très drôle […]. Si les gens pensent que ce sont juste quelques selfies, ils se trompent. C’est niaiseux, parce qu’on est en train de réaliser une vraie différence dans la vie des gens.»
  • Sur son père, Pierre Elliott Trudeau : «Il serait content de voir que la job de premier ministre est très différente aujourd’hui, mais que les valeurs et les principes sont les mêmes. On a une approche et un style complètement différent, mais au final, on traite les gens comme des adultes intelligents.»
  • Sur l’ancien président américain Barack Obama : «C’est sûr que j’ai eu du fun avec lui pendant un an. Il y avait des enjeux sur lesquels on était très alliés, mais en même temps, il y en a d’autres qu’on n’a pas pu régler, comme le bois d’œuvre par exemple.»
De passage à Montréal, Justin Trudeau a offert une entrevue exclusive au chroniqueur de Métro Frédéric Bérard.

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