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Les incels: la haine des femmes comme motif de violence

Plaque commémorative montrant les noms des victimes de la tuerie de Polytechnique. Cette tuerie est souvent prise en exemple par les incels.
Plusieurs personnes se sont recueillies hier devant cette plaque dédiée aux victimes de Polytechnique. Photo: Josie Desmarais/Métro

Trente ans après la tuerie la plus meurtrière de l’histoire du Québec, la haine des femmes et les inquiétudes qu’elle suscite sont encore bien présentes dans notre société. Mais qui sont les incels, ces hommes motivés par la haine des femmes?

«Les incels sont des hommes qui sont assez malheureux dans leurs relations affectives. Donc, ils rendent les femmes responsables de leur malheur. Et au fil du déploiement de leur mal de vivre, ils en viennent à renforcer la haine qu’ils portent aux femmes parce qu’ils les rendent responsables du malheur des autres», explique à Métro la professeure au Département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et experte en antiféminisme, Francine Descarries.

L’origine du terme incels, une contraction de «involuntary celibate», ou «célibataire involontaire», remonte au début des années 1990. Une Canadienne avait alors créé un site web qui se voulait une plateforme de soutien dédiée aux hommes et aux femmes célibataires. Ce terme a toutefois été repris par groupes misogynes, qui utilisent différents forums en ligne pour propager leur haine des femmes.

Dans les dernières années, ce mouvement s’est nourri de la popularité croissante des réseaux sociaux, qui permettent de rejoindre un grand auditoire.

«C’est plus facile de fomenter et de trouver des gens qui pensent comme nous grâce aux réseaux sociaux», constate la professeure associée à l’Institut de recherche féministe à l’UQAM, Mélissa Blais.

«Un héro des incels»

Ce mouvement, poussé par la montée des réseaux sociaux, n’existait pas encore lorsque Marc Lépine a pénétré dans les murs de l’École Polytechnique le 6 décembre 1989, où il a tué 14 femmes et en a blessé 10 autres. L’auteur de ce féminicide est toutefois devenu par la suite un symbole pour certains.

«Il est traité par certains membres de cette communauté comme un héro des incels», soulève Mme Blais.

Cette héroïsation remonte d’ailleurs bien avant la création de plateformes comme Reddit ou 4chan, souvent pointées du doigt comme vecteurs de ce genre de mouvements. En 2005, par exemple, le Québécois Donald Doyle s’est retrouvé devant les tribunaux après avoir envoyé des courriels haineux à des groupes de femmes, dont un contenait une photographie et une courte biographie de Marc Lépine.

Puis, en 2009, une page du site Blogspot qualifiait le tueur d’«héros populaire» pour les horreurs qu’il a commises 20 ans plus tôt avant de s’enlever la vie.

«C’est clair que Marc Lépine demeure une figure centrale très importante dans différents forums», constate l’étudiante à la maîtrise à l’UQAM Annvor S. Vestrheim, qui réalise actuellement un mémoire sur les incels.

Inquiétudes

Les craintes que la haine des femmes poussent de nouveau des hommes à commettre des tragédies au Québec sont bien réelles, estime Mélissa Blais.

«On a une peur d’une reproduction d’un tel attentat, souligne la professeure en référence à la tragédie de Polytechnique. Ce n’est pas une peur qui est reliée à une déconnexion de la réalité. Les féministes reçoivent des menaces.»

Si elle estime que ce «phénomène» est «loin de disparaître», Mme Blais se réjouit néanmoins que la Ville de Montréal ait finalement reconnu cet automne que la tragédie de Polytechnique était un «attentat antiféministe». Elle a ainsi modifié la plaque commémorative située sur les lieux de l’événement afin de refléter cette réalité.

Mme Descarries demande par ailleurs aux femmes, qui on grandement amélioré leurs droits dans les dernières décennies, de ne pas baisser les bras.

«Les changements sont assez importantes au cours des derniers 50 ans pour me dire que ça vaut la peine de continuer à se battre», conclut-elle.

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