Décriminaliser les drogues: de l’«ouverture» au SPVM
Confronté à une hausse des surdoses d’opiacés, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est sur ses gardes. Décriminaliser la possession simple de toutes les drogues pourrait faire partie de la solution, selon le corps policier, qui dit faire «preuve d’ouverture dans la poursuite de la réflexion».
Des agents du SPVM ont saisi «une importante quantité de fentanyl» lors d’un raid effectué il y a deux semaines dans Lachine. Une opération effectuée dans la foulée de «trois cas de surdoses survenus au cours des dernières semaines».
Montréal et le Québec sont moins affectés par la crise des opioïdes que d’autres régions du Canada. La Colombie-Britannique, notamment, a enregistré en juin 175 morts par surdose associées à ces produits illicites. Il s’agit d’un record.
Au début du mois de juillet, des chefs de police canadiens, menés par celui de Vancouver, Adam Palmer, ont appelé le gouvernement canadien a décriminaliser la possession simple de drogues. L’objectif: assurer la santé des toxicomanes et contrôler la qualité des drogues qui se retrouvent actuellement dans la rue.
Si le SPVM «fait preuve d’ouverture» dans cette potentielle modification à la Loi, le corps policier rappelle que son rôle demeure un rôle d’application des mesures législatives.
«Nous sommes d’avis que la décriminalisation de la possession simple de drogues illicites constitue une approche qui doit être accompagnée de pratiques […] et de mesures à la fois adaptées et complémentaires pour répondre à l’objectif d’atténuation des effets des sanctions pénales sur les toxicomanes.» – l’équipe des communications au SPVM
Des craintes sur le terrain
Dans les différents organismes de soutien aux personnes toxicomanes de Montréal, on a observé depuis le début de la pandémie une résurgence de la crise des opiacés. «Inquiète», la directrice générale de L’Anonyme, Sylvie Boivin, a aussi observé «une augmentation des surdoses».
Celle qui gère notamment un service d’injection supervisée (SIS) martèle depuis des années qu’il faut revoir la criminalisation des drogues dures comme l’héroïne. Au contraire de la légalisation, effectuée en 2018 avec le cannabis, la décriminalisation vise à mettre fin aux moyens coercitifs employés chez une personne qui posséderait des drogues sans objectif de revente.
«La criminalisation fait en sorte que les gens ont accès à des substances de moins bonne qualité. Quand on a un meilleur contrôle, on se retrouve à avoir moins de décès», soutient Mme Boivin.
Lui aussi DG d’un SIS à Montréal, le Cactus, Jean-François Mary précise qu’une opération policière vient «déstabiliser le marché» et redirige des consommateurs réguliers vers des substances ou des fournisseurs qu’ils ne connaissent pas.
«Une frappe policière vient compliquer la situation pour nous. L’idéal serait de pouvoir travailler avec les usagers en mettant en place des opérations de drug-checking, pour savoir la composition des substances en circulation», avance-t-il.
M. Mary souhaite éviter une demi-mesure dans la décriminalisation. «Il ne faut pas qu’on remplace ça par des amendes, parce qu’on va remplacer un casier judiciaire par un fardeau financier», indique-t-il.